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L'Elian

29 mai 2015

Gage, Tango, Tangage

 

Musique d'accompagnement

 

Carter tapait à la machine à écrire un énième article, assis sur le pont, adossé au bastingage. Le soleil de fin d'après-midi venait de commencer à se coucher et le ciel s'embrasait de nuances d'orange à couper le souffle. A la vigie, Crystal, les coudes appuyés sur la rambarde, scrutait le ciel en retenant un bâillement tandis que le roulis du navire sur la brise berçait ses passagers.

Des pas se firent alors entendre sur le parquet du pont, et une silhouette familière fit son apparition avant de se pencher sur le chroniqueur.

-Je suis prête, lança Fenrir en croisant les bras, un sourire de défi sur le visage.

Carter releva les yeux de son clavier et parcourut du regard la jeune fille de bas en haut. Il lâcha ensuite un soupir et retourna à son travail.

-Non, tu n'es pas prête, rétorqua-t-il.

Et pour cause, la mécanicienne arborrait sa tenue habituelle, tâchée de suie et de camboui, légèrement débraillée et pas du tout adaptée à l' "activité" qu'étaient censés avoir les deux pirates.

-Si, je le suis! contra-t-elle.

Carter quitta pour de bon sa machine à écrire des yeux pour braquer son regard dans celui de son amie.

-Fenrir, je t'ai déjà dis que si tu voulais apprendre à danser correctement pour t'en sortir lors du bal qui approche à très grands pas, il fallait te mettre en condition dès le début. Va te changer.

La propriétaire de l'Elian s'éloigna en grommelant et revint plusieurs minutes plus tard dans une somptueuse robe dégotée par Valorah, en signalant sa présence par le claquement caractéristique des talons hauts sur le parquet.

Elle se planta ensuite à nouveau en face de Carter qui avait eu le temps de conclure son texte entre-temps.

-Voilà. Là, je suis prête.

La mécano avait visiblement très envie de tuer quelqu'un, et cela tomberait sans doute sur le premier qui rirait de la voir aussi bien apprêtée.

Un éclat de rire retentit soudain au-dessus de leurs têtes, mais quand Carter et Fenrir levèrent les yeux vers Crystal cette dernière sifflotait d'un air angélique en balayant le paysage de son regard affûté. La mécanicienne jura et croisa les bras, les sourcils froncés, écarlate.

-Bon, on s'y colle?

-Volontiers, répondit le jeune auteur. Bien, alors pour commencer tu vas enlever ces chaussures.

-Quoi?! Mais tu m'as dis de...! se plaignit la jeune femme avant d'être interrompue par son camarade.

-Je t'ai dis de mettre une robe, pas des chaussures.

-Raah, elle est où ta logique sérieux? grogna la pirate en retirant ses escarpins.

Carter esquissa un sourire.

-Quand une femme apprend à danser, elle commence d'abord sans talons, c'est comme ça.

-Les femmes de la haute sont idiotes.

-Je te rappelle que je suis fiancé à l'une d'elles, fit Carter en arquant un sourcil.

-L'exception qui qualifie la règle? essaya de se rattraper la mécanicienne.

Le chroniqueur esquissa un sourire de nouveau, puis alluma le sonophone qu'il était allé chercher dans la salle des archives, pièce devenue plus ou moins son bureau à son arrivée sur l'Elian. Un air de violon entraînant s'éleva dans l'air de fin d'après-midi et à la vigie Crystal se mit à tapoter la rambarde du doigt en rythme, son menton reposant sur la paume de sa main.

-Ce n'est pas une valse, ça, si? remarqua Fenrir en levant les sourcils.

-Non en effet, c'est un tango.

-Un tango?

-Une danse qui vient d'un pays éloigné. Elle est devenue très à la mode récemment, à mon avis elle sera un incontournable au bal. Les valses c'est un classique, mais si tu veux impressionner c'est sur un tango qu'il faudra briller! expliqua le chroniqueur en levant un doigt comme s'il s'agissait d'un proverbe ancien. Mais ne t'inquiètes pas, tes petits pieds subiront aussi cette chère et plaisante torture qu'est la valse...!

-Oh, d'accord. Bon, finissons-en vite.

Carter expliqua à la mécanicienne le rythme et les pas, agrémentant la théorie d'un peu de pratique en solo pour bien illustrer ses propos. Mais le manque total d'expérience de la jeune femme se faisait sentir, et la sensualité du tango fut massacrée à bons coups de pioche par la piètre danseuse...

-Fenrir, tu as la grâce d'un éléphant sur des patins à glace! la réprimanda Carter. Mets-y un peu du tien!

-Mais je fais ce que je peux! s'insurgea Fenrir. Ton truc c'est un vrai casse-tête!

-Déjà, il faut que tu te mettes sur la pointe des pieds.

-Mais s'il faut que je me mette sur la pointe des pieds, pourquoi tu m'as fait enlever mes talons?!

-Parce que la sensation n'est pas du tout la même, tu verras quand tu les auras aux pieds! Il faut d'abord que tu maîtrises les pas sans tes chaussures, et ensuite on pourra passer au niveau supérieur.

-D'accord... maugréa la jeune femme.

-Plus strict, ton port de tête, indiqua Carter avec un sourire amusé. Il faut que tu sois à la fois bloquée et très fluide. Le haut du corps droit, le bas du corps souple. Glisse sur le parquet, mais tes épaules doivent rester légèrement levées et figées.

Si Fenrir avait des difficultés, elle avait au moins le mérite de la persévérance et de la détermination. Au bout de deux heures d'entraînement, son tango était, pour une première fois, satisfaisant. Le duo dansait sur le parquet avec fluidité et agressivité, mais il manquait toujours un petit quelque chose...

-Fenrir, ton regard est trop hésitant, nota Carter.

-Mais on s'en fout des yeux, c'est le corps qui compte! répliqua l'intéressée.

-Là tu te trompes, soupira le maître à danser. La danse, c'est aussi et surtout une attitude, tu comprends? Il faut que les gens ressentent quelque chose en te voyant danser, sinon ta danse sera fade et tu n'attireras pas plus l'attention que les autres invités. Tu me suis?

-Mouais...

-Le tango, c'est l'amour charnel et l'agressivité, la sensualité et la domination de l'autre.

-Le sexe, quoi.

-Mais non! Enfin... si, un peu. Mais il ne faut pas que ce soit vulgaire, tu vois? C'est dur en ce sens : tu dois pousser la sensualité à son paroxysme, mais tu en fais ne serait-ce qu'un petit peu trop et tu passes pour une délurée, voire même une traînée.

-Oh la laa, c'est dur ton machin!

-J'ai jamais dis que c'était facile, fit remarquer Carter avec un sourire mystérieux. Tiens, écoute-ça, ça devrait t'aider : pense que je suis une pourriture qui veut t'assassiner, et tu es au courant de ce que je prépare sans que je ne sache que tu l'es. Tu veux me tuer d'abord, mais tu es un public et tu ne veux pas être remarquée. Tu me regarderais comment?

-Comme un connard que je veux tuer parce qu'il veux me tuer mais que je peux pas parce qu'on est en public.

-Fenrir, sois un peu sérieuse...!

-Ok, ok. Mais je vois pas très bien, ce genre de situations ça m'est jamais arrivé.

Le chroniqueur se passa une main sur le visage, puis eût une idée.

-D'accord, alors plus simple : fais la tête que tu fais lors des abordages mais avec de la retenue, compris?

-Ah, ça je pige! répondit Fenrir avec enthousiasme et un large sourire.

-Paaarfait! Alors on reprend!

Le couple se remit à danser sous le regard mortellement amusé de Crystal qui se retenait de rire en se mordant les joues.

Mais ils n'avaient pas fait trois tours que Carter arrêta de nouveau la danse.

-Fenrir, là on dirait vraiment que tu veux m'égorger. M'égorger avec tes dents.

-Ben tête d'abordage, quoi, rétorqua l'intéressée en haussant les épaules.

-Nuance-moi ce regard, apportes-y du mystère, tu vois le genre? conseilla le maître à danser d'un jour.

-Ouais, d'accord, je vais essayer.

Fenrir essaya.

Et Fenrir réussit!

Cela pris du temps, mais au bout d'une heure supplémentaire le port et l'attitude de la jeune femme étaient bien fixés et la danseuse en herbe put s'essayer au tango avec ses chaussures à talons. Ce fut au début légèrement désastreux car elle manqua de tomber plusieurs fois, mais fort heureusement Carter fut là pour la rattraper. Alors que le soleil se couchait et que le ciel embrasé flamboyait des lueurs du crépuscule, le tango dansé par le couple d'une séance s'acheva avec brio. Fenrir maîtrisait correctement cette danse compliquée, et bien qu'il fût sûr qu'elle ne brillerait pas comme une déesse, elle avait au moins de quoi attirer l'attention au sens positif du terme. Carter conclut la séance d'un bref applaudissement et félicita la danseuse, qui retira vivement ses chaussures pour se jeter dans une baignoire d'eau bien fraîche.

La chose que Fenrir regretta le plus ce soir-là, c'était sans doute de ne pas avoir assez d'autorité pour obliger l'un de ses compagnons à lui masser les pieds...

 

~ Iceday ~

 

corrupted flower

 

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28 mai 2015

Le Boudoir

Le Boudoir

 

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Tu avais fait venir des ouvriers de ton père. Tu avais longtemps discuté avec eux, tu avais même dessiné les plans à leurs côtés. Tu avais été claire et précise dans tes descriptions, mais comme le disait si bien ton père, on est jamais mieux servit que par soi-même. C'est pour ça que jamais tu n'avais demandé à ce qu'on te rende un service, tu t'étais toujours attachée à faire tes besognes sans aides, et ça avait toujours payé. Mais pour des travaux de ce types, tu ne voulais pas abîmer tes pauvres mains, elles étaient utiles à bien d'autres choses. Tu avais donc gardé la surprise de l'aménagement de la salle qu'on t'avait donné. Bien entendu, si les décorateurs avaient eu des fautes de goûts, tu ne te gênerais pas pour modifier le tout, et leurs remonter les bretelles.

 

Tu t'étais donc arrêtée devant la double porte de ton boudoir. Elle était en bois massif, les ébénistes avaient fait un merveilleux travail de sculpture sur cette porte, tu devais le reconnaître. Mais tu n'en attendais pas moins des ouvriers engagés par ton père… Mais le plus dur restait à faire, tu avais peur de ce qu'ils avaient bien pu faire de tes directives. Tu pris une grande inspirations avant d'ouvrir ses deux grandes et lourdes portes. Mais ce qui apparut sous tes yeux te ravie. Tu fis quelques pas en avant, sentant la douce différence de niveau entre le sol du couloir et le parquet de ton boudoir. Il ne devait pas y avoir plus de deux centimètres de différence, mais la pente était si douce qu'on ne la sentait presque pas. Tu souris, ravie de voir le parquet en bois d'ébène, définitivement trop sombre, mais qui donnait un petit quelque chose dans la salle.

 

Tu restas dans l'entrée avant de poser ton regard sur tout le côté droit de la pièce. Il y avait tout d'abord un canapé baroque dans l'angle de la pièce, des coussins dont les tons étaient foncés avec l'armature du meuble fait d'un bois blanc. Tu remarquas ensuite que presque l'intégralité des fauteuils de la pièce étaient fait ainsi. Une armature en bois blanc et des coussin foncé, allant du brun au noir, en passant par un bleu relativement foncé. De petites touches de couleurs qui ne gênaient en rien l'harmonie de la pièce. Bref, tu revins au côté droit du boudoir. Longeant le mur, tu trouva une commode avec cinq rangées de tiroirs, tu imaginais d’ors et déjà qu'ils étaient emplis de tes affaires… Le bois de la commode était également blanc, et sur le meuble on pouvait trouver un service à thé asiatique, relativement joli. Au dessus du même meuble, tu reconnus une réplique de Basile, elle était belle, elle aussi. Et encore au dessus de Basile, tu trouvais ce qui te semblais être la pièce la plus impressionnante du boudoir, il s'agissait d'un bois de cerf, qui servait de perchoir à Écrou, qui y avait trouvé ça juste place. Ton père possédait l'autre, entreposé dans l'entrée de votre manoir. Pour finir sur ce côté, tu vis un second canapé baroque, dans l'angle, dont la tête se trouvait près de la fenêtre. C'était sans doute dans celui-ci qui tu irais dormir…

 

Tu étais relativement satisfaite de ce côté du boudoir, tu espérais l'être autant pour le reste. Tu décidas alors de faire ton inspection sur le centre de la pièce. Il y avait une table basse en ébène, avec un autre service à thé posé dessus, entourée par six fauteuils qui avaient l'air relativement confortable. Rien que de les voir tu n'avais qu'une envie, boire le thé dans l'un d'eux. Les fauteuils étaient disposés de sorte que toutes les personnes assises puissent se voir, en une espèce d'ovale autour de cette jolie table basse, dont les pied étaient joliment taillés. Au fond de la pièce, entre les deux grandes fenêtres, on trouve un guéridon encadré par deux fauteuils. Les fenêtres étaient habillées par d'épais rideaux bruns avec des broderies nacrées. Sur ce guéridon, tu pouvais voir un vase avec un bouquet de fleur, plutôt neutre et qui apaisait d'avantage la pièce. Cette touche florale te fit sourire, tu ne t'attendais pas à cela, les décorateurs avaient bon goûts.

 

Il ne te restais plus que la partie gauche du boudoir à inspecter, et tout serait parfait. Tu remarquas d'abord que la double porte semblait moins centrée de l'intérieur du boudoir. En effet, tu avais fait faire une armoire relativement profonde pour y ranger la plupart de tes robes. Mais ça ne gênait en rien finalement… Dans le coin il y avait un fauteuil. Les décorateurs avaient déposé la tapisserie des murs sur les portes de l'armoire, faisant un effet de trompe l'oeil plutôt agréable. La tapisserie était remarquable. Sur le premier tiers de la hauteur du mur, tu trouvais une imitation du parquet, qui semblait faire grandir la pièce, sur les deux tiers restants du mur on avait une teinte plus douce, dans les tons de beige qui ne faisaient qu'adoucir la pièce. Tu avanças dans la pièce, t'assurant que cette armoire ne fasse pas la largeur du boudoir. Mais ton sourire devins immense lorsque tu remarqua le paravent posé dans l'allongement de l'armoire. Tu hésitas un instant à applaudir pour toi même, sachant déjà ce qu'il se trouvait derrière ce paravent qui restait dans les tons de ta salle. Tu te pinças les lèvres avant de déplacer le paravent pour voir ton bien le plus précieux. Tu vis alors ta baignoire en cuivre, couverte avec soin. Tu posas ta main contre le métal, sentant qu'il était chaud tu jubilais en comprenant que la baignoire était remplie d'eau chaude. Tu vins alors vérifier l'étanchéité de sa couverture, une bâche solidement attachée, munie d'une fermeture éclair, la séparant en deux par la même occasion. Tu te doutais alors que tu ne devais pas retirer cette bâche, mais plutôt la laisser en place, l'ouvrir et te glisser dedans. Espérant qu'elle te laisse tout de même un peu de liberté de mouvement, tu ouvris la bâche, enchantée de voir de la fumée en sortir. Tu refermas la protection, plus que satisfaite de ce que les ouvriers avaient fait, voyant une note, tu compris qu'il s'agissait du mode d'emploi du changement d'eau et du remplissage de ta baignoire.

 

Ceci-dit, cette chose là, tu te pencherais dessus une autre fois. Cette salle t'était tout bonnement parfaite.  

27 mai 2015

Le temps d'un bal (partie 2)

Le temps d'un bal- seconde partie

 

Toujours à la recherche de son amie, Venesiaa se déplaçait lentement dans la salle. Elle sentait le regard des hommes se poser sur elle et un malaise croissant l’habitait. Elle finit par retrouver cette dernière au moment où un jeune homme plutôt élégant faisait une annonce au micro.

“Bonsoir gentes Dames et Messieurs, je me présente Nef de l'Elian, grâce à la bonté d'âme de notre hôte que je vous demande d'applaudir chaleureusement, j'ai l'honneur de vous interpréter une valse écrite par moi-même.”

Venesiaa rit un peu, avec complicité, de cet homme si bien habillé mais aux manières presque trop distinguées. Elle voyait en lui la même imposture qu’elle occupait à cet instant. Se tournant vers Elisa, elle lui chuchota à l’oreille :

“L’Elian est bien ce fabuleux trois mâts qui flotte au dessus de cette salle ?”

Elle n’avait encore jamais vu si beau navire et sa curiosité était excitée devant cette envie de découvrir comment il était arrangé. Intérieurement, elle se mit à espérer qu’une visite officielle serait organisée, mais Elisa refroidit bien vite ces ardeurs :

“Oui, c’est lui, mais nous avons interdictions de monter à bord. Il faut dire qu’il n’y a qu’une corde pour accéder à l’édifice…”

Elle comprit que pour la véritable lady, cette corde était la meilleure protection dont disposait l’Elian. Elle finit par se dire qu’avec un peu de chance, elle pourrait atteindre le bateau, mais la musique attira soudainement son attention. L’homme jouait divinement bien et elle voyait les danseurs enchaînaient les pas avec une aisance que la musique semblait leur conférer. Elle même sentit l’envie de danser grandir en elle comme jamais. Elle se mettait à regretter un partenaire lorsqu’elle s’aperçut que tout le monde avait cessé de danser. Au centre de la salle, un couple virevoltait, merveilleux, irréel. Venesiaa sentit la nostalgie s'emparait d’elle repensant à l’époque où la danse menait sa vie.

Elle savoura le spectacle plus que n’importe qui dans la salle, admirant la perfection des pas, le rythme parfaitement ajusté de la valse, la fusion des deux corps. L’homme menait sa cavalière d’une main de maître et ils enchaînaient les pas de manière presque acrobatique, donnant à cette valse une force nouvelle. La musique cessa peu à peu et les danseurs se retrouvèrent dos à dos, quelque peu essoufflés. Venesiaa, comme toute la salle, applaudit à tout rompre.

Puis, sous la demande virulente, la musique reprit et de nombreux danseurs envahirent à nouveau la piste. Peu de temps après, Elisa fût galamment invitée et jetant un regard désolé à son amie, elle hésita. Venesiaa la rassura d’un simple regard et rayonnante elle s’en fût danser au bras du beau jeune homme. Se retrouvant en tête à tête avec son ombrelle, elle posa machinalement son verre sur un plateau qu’un serveur promenait dans la salle, le remerciant du regard.

Elle se sentait seule et en dehors de tout cela. Les hommes la regardaient mais ces cornes semblaient dissuader tout individu de l’approcher. Elle voguait dans un autre espace, un autre temps mais habituée à cela, elle sortit sur le balcon. De nombreuses personnes se trouvaient là, il faut dire que la vue était superbe. On voyait parfaitement l’Elian sans avoir à se tordre le cou pour l’observer. Venesiaa s’avançait, les yeux perdus sur la merveille de technologie qui se trouvait en face d’elle. Elle se fraya un chemin vers la rambarde et y posa une fesse, posture de l’amazone si poétique pour de nombreuses personnes, mais si pratique pour elle.

Ne pouvant s’en empêcher, la demoiselle s’imagina grimpant à la corde qui menait au bateau. Elle se reprit. Il était hors de question qu’elle cause encore du soucis à qui que ce soit. Au loin, la musique de l’inconnu berçait ses pensées. Elle finit après de longues minutes par revenir prés du buffet. Comme disait sa tante : “Il fait soif !”. Elle sourit un peu à cette pensée. Elle récupéra un verre de vin blanc et doux et se figea. Du coin de l’oeil, elle apercevait le gentleman qu’elle avait percuté quelques temps plutôt. Elle se déplaça immédiatement, se glissant derrière un groupe qui faisait barrage entre lui et elle. Pourtant, elle ne put s'empêcher de le regarder furtivement.  

L’homme avait bel et bien un éclat blanc dans l’oeil gauche. Elle soupira un peu, il ne l’avait sûrement pas vu étant arrivée sur sa gauche. De plus sa conversation avec un homme devait lui prendre du temps et de l’attention. Elle se surprit à le trouver séduisant et à l’admirer. Ses longs cheveux couvraient ses épaules, mais une épingle en retenait la partie qui devait habituellement lui tomber dans les yeux. Elle rougit en s’imaginant dans ses bras et se retourna précipitamment.

Un doute assaillis soudain son esprit. Pour revenir au buffet, reposer ce fichu verre et s’enfuir, elle se trouvait dans l’obligation de passer en terrain découvert. Pour une raison qu’elle ignorait, elle ne voulait absolument pas être vu. Elle chercha désespérément un autre chemin mais dut se résoudre. Il n’existait pas. Elle respira un grand coup, et cherchant à être le plus digne possible, elle se dirigea vers le buffet et posa son verre.

Soudain la silhouette d’Elisa se dessina un peu plus loin. N’hésitant pas une seconde, elle se dirigea rapidement, se sentant un peu ridicule, vers elle. Elle fixait si intensément son but qu’elle ne vit absolument pas l’homme qui arrivait sur sa droite. Elle le percuta de plein fouet, gardant son équilibre et se retenant à son épaule et en plantant férocement son ombrelle dans ce qu’elle espérait être le sol. Au loin, elle vit qu’Elisa avait suivi la scène et lui lança un regard désespéré. Elle répondit par un sourire complice et ne fit rien pour intervenir. Elle la maudit intérieurement et revint à l’homme. C’était l’inconnu du piano. Elle sentit la honte envahir ses joues et détourna brusquement la tête, ne pouvant soutenir son regard. Elle fit un pas en arrière, lâchant précipitamment l’épaule de l’inconnu.

“Je suis désolée.”, articula-t-elle très vite, les yeux fixés sur l’épaule droite de l’homme.

 

“Il n’y a pas de quoi, hum… La sortie, est par là.”, dit-il en lui prenant le bras et en se précipitant par la grande porte. Une fois dehors, il barricada la porte avec une planche qu’il plaça en travers des portes. Venesiaa regarda une dernière fois Elisa avant que les portes se referment à quelques centimètres de son nez. Elle apostropha de nouveau l’homme choisissant de rire de la situation :

“Eh bien, monsieur, votre manière d’inviter une femme à danser est fort peu courtoise.” dit elle posant une main sur ces hanches, l’autre tenant fermement son ombrelle.

“Veuillez m’excuser très chère… Vous sembliez pressée de sortir tout comme moi” bafouilla Nef un peu gêné.

“Mais si vous tenez à danser, je peux vous emmener dans un lieu parfaitement magique.”

Venesiaa en fut un peu surprise du fait qu’il rentrait dans son jeu. Elle décida d’accepter sa proposition, tant qu’il l’emmenait loin d’ici.
“J’espère que vous savez montez à la corde très chère, car il n’y a pas d’autre moyen d’aller sur ce lieu”

Venesiaa était intriguée. Où pouvait bien l’emmener l’inconnu ? Elle finit par sourire et lui répondit :

“Je pense que cela doit être dans mes cordes. Au fait, je m’appelle Venesiaa. A qui ai-je l’honneur ?”

Demander le prénom de quelqu’un était tout de même la moindre des politesses, et ça évitait l’effet “stalker”, bien qu’un peu redondant. Nef fut content qu’elle ne sache pas qui il était, ça voulait dire qu’elle ne savait pas que c’était lui qui avait jouer plus tôt dans la soirée, enfin c’est ce qu’il espérait.

“Je m’appelle Nef et je fais parti de l’Elian, ce trois mâts qu’il y a juste au dessus de nous. Je vous invite à bord, vous verrez la vue est merveilleuse. A vous l’honneur, chère Venesiaa” dit-il en lui présentant la corde.

Venesiaa fût soudain prise d’un doute : la robe c’était pratique pour ce genre de chose ? La réponse était évidemment non. Elle évalua d’un regard la distance qu’il lui faudrait parcourir. Environ cinq mètres soit un effort qui sans être conséquent nécessiterait une liberté des mains non négligeables. Elle fit passer l’ombrelle dans son dos la calant dans son soutien gorge improvisé, attrapa la corde et lâcha un :

“Ça va pas être de la tarte.”

Puis, coinçant celle ci au bout de ces genoux et y entortillant ces pieds, elle commença à s’élever avec plus ou moins d’aisance, l’ombrelle perturbant l’ascension.

Pendant ce temps, Nef admirait le château dans lequel il avait fait danser les personnes les plus importantes de la ville. Il n’en revenait toujours pas. Il laissa ses pensés l’emmener où elles voulaient mais se réveilla lorsqu’il se rendit compte qu’il venait d’inviter une inconnue sur leur bateau, Fenrir allait le tuer si elle l’apprenait. Tant pis, il prenait le risque, cette jeune femme l’intriguait avec ses cornes. Il n’osait pas lui poser la question car il s’imaginait qu’on lui posait la question tout le temps. Nef sorti sa montre a gousset pour voir l’heure. Cela faisait cinq minutes qu’elle s’était lancé dans l’ascension, Nef espéra qu’elle était arrivée. Il se retourna et vit que la voie était libre. Il saisit la corde a son tour et grimpa plus aisément. Il arriva très vite en haut.

“Hum… Alors Venesiaa, vous vouliez danser si je me souviens bien ?”

Elle était effectivement arrivée dans le bateau et postée en son centre, elle tournait sur elle même admirant, voilures, haubans, canons et rambardes. Un sourit béat annonçait son état d’admiration. Elle ne s’était même pas rendu compte que l’homme qui l’accompagnait était monté à son tour sur le bateau. S’approchant de la rambarde à tribord, elle s’y accouda regardant la ville depuis un point de vue inimaginable. Elle n’entendit même pas Nef qui cherchait à entrer en communication avec elle. Elle finit par lever la tête et se laissa engloutir par le ciel, l’espace et le temps.

Elle ne semblait pas l’avoir entendu, aussi il décida de lui prendre la main délicatement pour la sortir de sa contemplation.

“ Voulez vous danser sur le pont ou à l’intérieur car il commence à faire un peu frais et je ne voudrais pas que vous attrapiez froid ?”

Elle s‘extirpa de ces pensées et planta de nouveau son regard dans le sien :

“Oui avec plaisir. Je préférerais si possible rester sous la lumière des étoiles.” Se rappelant soudainement du cours de la soirée, elle demanda : “Mais comment allons nous faire sans musique ?”

Pour la musique, Nef savait comment faire.

“ Ce sera avec grand plaisir, dans ce cas j’ai besoin d’un instrument particulier qu’il va falloir que j’aille chercher dans mon bureau. Voulez vous visiter le bateau ou profiter encore de la vue ?”

Venesiaa décida qu’elle profiterait de la vue et vit Nef s’éloigner vers une porte qui semblait mener dans les entrailles du bateau. Elle repartit vers la rambarde mais en passant près du mât principal, elle vit l’échelle de cordes qui menait vers les voiles. Un coup d’oeil à droite, un coup d’oeil à gauche et la demoiselle se propulsa vers les haubans, abandonnant ombrelle et chaussures au pied de son mur d’escalade. Arrivée presque au sommet du mât, elle posa un orteil sur une barre de flèches et entreprit de se promener dessus sans s'emmêler dans les bouts qui se promenaient ça et là.

Nef courut jusqu’à son bureau pour récupérer un vieux phonographe avec un disque qu’il avait enregistré. Lorsqu’il remonta sur le pont, il posa le tout près du mât central. Il chercha également son invité qui avait disparu. Il ne restait que ses chaussures et son ombrelle. Était-elle partie ? Non pas sans ses affaires auxquelles elle avait l’air de tenir.

“Venesiaa ??? Où êtes-vous passée ?”

Elle l’entendit et se penchant vers le sol, elle éleva la voix et cria : “Ici !”

Il leva la tête et la vit en train de se balader dans les haubans. Merde si un des membres de l’équipage la voyait, c’était clair qu’il était mort, entre Shadow, Fenrir, Kasai, il avait encore une chance de s’en sortir s’ils étaient pas encore partis de la fête. Comment allait-il pouvoir la faire descendre de là sans la brusquer ?

Il prit la décision d’allumer le phonographe en espérant que la musique lui rappellerait qu’ils avaient une danse à faire. Et son voeux ne fût qu’à moitié exhaussé. Elle entendit la musique, oui, cela ne faisait aucun doute puisqu’elle dansait mais toujours sur cette barre de flèche. Pliant, croisant, virevoltant, elle liait ses passes d’harmonieux mouvements de bras. Nef l’admirait en train de se déplacer sans peine au milieux de toutes ces cordes. Lorsqu’elle glissa, il prit un peu peur et se déplaça de sorte à pouvoir la rattraper au besoin.

Elle s’accrocha in extremis à l’étal : le hauban reliant le haut du mât à la proue. Elle glissa le long du filin et se laissa tomber au pied de Nef.

“Pardonnez moi si je vous ai fait peur, mais la tentation était trop grande.”

“Ce n’est pas grave” mentit-il. Il lui prit à nouveau la main puis commença à l'entraîner dans une valse. Le contexte était hors du temps, une valse au clair de lune au beau milieu d’un trois mât. Une vrai scène de conte de fée. Nef eut l’impression que le temps c’était figé. Venesiaa, elle, se laissait aller au bras de son cavalier. Il menait la danse et elle s’abandonnait à celle-ci. La musique de Bach semblait couler en elle et elle s'enivrait de la valse comme chaque fois qu’elle en dansait une. Son cavalier était doué et les trois minutes passèrent bien trop vite lorsqu’un bruit interrompit la danse.
“Merde quelqu’un est en train de monter !! Vite va te cacher quelque part sur le bateau, peu importe où tant que personne ne te vois, sinon ça va mal finir. Je dois t’avouer que nous ne sommes pas des mercenaires mais nous sommes des pirates de l’air. J’espère que nous nous reverrons un jour, j’aimerai en apprendre plus sur toi.”

Nef se précipita ensuite vers la corde pour voir qui pouvait bien l'interrompre et surtout pour s’assurer que ce n’était personne susceptible de tuer Venesiaa. Il fut un peu rassurer en voyant que c’était Grey qui remontait mais il avait une tête bizarre, comme s’il était malade ou perturbé. Il allait avoir une discussion avec lui.

La demoiselle avait pris la fuite en direction de la porte par laquelle il était allé chercher son faiseur de musique. Elle avait fini par ouvrir la porte d’une pièce qui semblait isolée et dans cette dernière découvrant un enchevêtrement de tuyaux, c’était cachée derrière. Pourtant, il lui restait un problème insoluble à régler : Elle était censée sortir quand ?

27 mai 2015

Le temps d'un bal

Le temps d'un bal

 

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Elle se trouvait dans cette ville depuis peu, ses recherches autour des pierres d'énergie l'ayant menée dans cette métropole habitée par des gens suffisamment oisifs pour se soucier de la mode et donc riche et puissante. Mais qui disait grande ville, puissance et richesse disait aussi inégalités sociales et lieux malfamés. Le port abritait de nombreux bateaux de commerçants, de nobles ou encore d'ambassadeurs, mais aussi des navires plus ou moins légaux dissimulés sous des apparences débonnaires qui dissimulés des la mauvaise graine. Mais ce soir, la jeune femme cornue se fichait bien de savoir qui faisaient quoi et qui était qui. Ce soir, elle voulait s'amuser.

 Elle avait été conviée par une connaissance de la lady qui organisait ce bal et bien que ne faisant pas tout à fait partie de la classe sociale invitée, elle avait décidé de s'y rendre. Trouver une robe pouvant arriver à la hauteur de celles portées par les dames allait se révéler plus difficile que prévu. Elle se rabattit donc sur ses talents de couturière. Elle reprit une vieille robe du soir qu'elle avait chiné et la transforma. Les épaules dénudées, elle avait choisi de garder le corset en sous-vêtement et un savant mélange de dentelles et de tulles dissimulait astucieusement son décolleté bien trop plongeant à son goût sans pour autant la changer en bonne sœur de couvent. Elle possédait seulement deux jupons avant la sur-jupe. Elle décida donc d'imiter les robes de jour en resserrant sur la taille et jusqu'au dessus des genoux la robe reprenant une antique mode du tailleur qui n'avait pas rencontré grand succès.

 

Le bas de la robe s'ouvrait comme une tulipe jusqu'en bas de ces pieds et l'on pouvait voir le beau deuxième jupon qu'elle portait en dessous, la sur-jupe s'ouvrant grâce à l'aspect fendue. La sur-jupe était délicatement brodée de pierreries semi-précieuse que la jeune femme avait accumulé lors de ces nombreux voyages. Au niveau de la taille, Venesiaa avait cousu une succession de voile qui donnait l'illusion d'une cambrure accentuée. Le faux cul étant désespérément à la mode ces temps ci, il avait aussi fallut tricher ici. Le haut de la jupe lui ceignait la taille jusque sous les seins mais elle avait ajouté une ceinture large pour dissimuler ce défaut de goût vestimentaire.

 Sa gorge était dévoilée, le haut s’arrêtant bien trop bas pour la demoiselle à corne et s'étirant sous ses épaules. Elle avait parfaitement conscience qu'il ne s'agissait pas ici de lever les bras ou de se mettre à marcher vivement. Pourtant, histoire de renforcer le soutien de la poitrine un foulard qui ceignait la taille et se transformait en un tour de cou harmonieux lui assurait une possibilité de s'enfuir en cas de dérapage. Les bijoux qu'elle portait étaient simples mais élégants. Le tour de cou en dentelles sur la face se terminait en pointe avec au bout une belle pièce de jade finement sculptée. Ensuite, deux colliers venaient, le dernier venant se loger entre ses seins. Enfin, complétant le tout, un voile venait couvrir ses épaules et dissimuler sa gorge.

 

Elle avait bien sur prit soin d'emmener son ombrelle en dentelle qui était une arme terriblement efficace pour bouter un malotru lorgnant sur ces formes. Et c'est ainsi fin prête qu'elle s'aventura hors de chez elle toute vêtue de vert de jade, de brun et de beige. C'est ainsi qu'elle s'était retrouvée marchant dans la rue en direction de la salle de bal. Comme indiqué par son amie, cette dernière était inratable. Il suffisait de suivre l'immense trois mâts qui surplombait la ville. De loin, on pouvait déjà décrypter son nom et la mémoire de Venesiaa s'agita un peu alors qu'elle la fit taire immédiatement. Les vieux démons se devaient de rester à leur place ce soir, seul l'instant présent comptait.

 Sentant soudain un regard posait sur elle, elle se rendit compte que de nombreux jeunes hommes et jeunes femmes se retournaient sur son passage. Les idées automatiques négatives s'activèrent immédiatement dans son cerveau et elle accéléra le pas envisageant de tourner dans la prochaine rue et faire ainsi demi-tour. Elle était tellement préoccupée par l'idée de marcher le plus vite possible sans avoir l'air ridicule qu'elle heurta de plein fouet un gentilhomme qui la rattrapa de justesse. Elle sentit le rouge envahir ses joues lorsqu'il la rattrapa par la taille pour ne pas qu'elle tombe. « Doucement my lady, personne ne va manger une demoiselle si bien habillée » lui dit-il. Elle eu un petit mouvement de recul en se remettant sur pieds, ainsi ce n'était pas à cause de la laideur de sa tenue que les passants la dévisageaient. L'homme avec un sourire toujours aussi charmant lui pris la main et effleura son gant du bout des lèvres pratiquant les baises mains royaux. Elle rougit encore se sentant dans la peau d'une usurpatrice. Elle fût sauver par les camarades qui rappelaient leur compagnon à l'autre bout de la rue : « Je suis désolé de vous laisser seule ainsi, mais le devoir m'appelle, expliqua-t-il, j'espère vous recroiser un jour. »

 Répondant au signe de ses amis, il s'éloigna lui tournant le dos. Instinctivement, se rendant compte de son impolitesse, elle lui dit d'une voix un peu forte : « Merci beaucoup ! » Se retournant avec un sourire, il lui adressa un léger signe de la main avant de disparaître. C'est alors qu'elle percuta un détail plus qu'étrange chez l'individu. Peut-être avait-elle rêvé, mais lui semblait bien avoir aperçu un reflet blanc dans le regard de l'homme. Elle haussa les épaules tout cela n'avait aucune sorte d'importance. Ce gentilhomme si poli et courtois, elle ne le reverrait sûrement jamais et ce n'était pas elle, fille sans nom qui allait l'intéresser. Au vu de ces vêtements et de ses manières, il devait être issu d'une haute lignée qui jamais n'accepterais un tel mariage.

 

S'entendant soupirer elle se reprit immédiatement. Elle se serait collée des gifles pour avoir réagit si niaisement. Les clichés des romans à l'eau de rose n'avait rien à faire dans sa vie. Se marmonnant des sermons à elle même, elle finit par pouffer de son attitude lui rappelant son enfance chez sa vieille tante. Elle se retrouva soudain au détour d'une rue face à la salle de bal. Ainsi, elle se trouvait juste à côté lors de sa rencontre avec l'inconnu. Peut être habite-t-il tout prêt, pensa-t-elle. Elle secoua vigoureusement la tête. Elle n'avait pas de temps pour ces futilités. Elle présenta à l'accueil et montra patte blanche. On lui proposa de récupérer l'ombrelle, mais elle refusa poliment, car « elle lui servait de soutien, ces jambes étant affaiblies par une course à cheval ». On lui proposa une série de loup et elle opta pour un masque vert, blanc et brun à voilette. Ainsi dissimulée, elle s'avança dans la salle cherchant à se fondre à foule. Sans hésiter, elle attrapa une coupe de champagne qui passait sur le plateau d'un serveur et se mit à marcher à pas lent dans la salle. Le verre et la marche lui donnait une contenance le temps qu'elle mette la main sur son amie. Mais avec ces masques, comment la reconnaître?

27 mai 2015

Je mène la danse !!!

 

Je mène la danse !!!!

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Le soir du bal était arrivé. Il était arrivé plutôt vite même, mais l'équipage avant pu profiter assez décemment de toutes les activités que pouvait offrir Phylégride. Évidemment, ils n'eurent rien à débourser, ils étaient devenus en très peu de temps les invités d'Isobel. Et comme le bal n'était plus que dans quelques heures, tous ceux qui voulaient y participer partirent dans leur coin pour s'apprêter. Valorah avait invité les filles dans son boudoir pour qu'elles soient parfaites. Nef avait décidé d'y participer, pour des raisons qui lui étaient propres, et personnes ne demandait pourquoi il venait. Il suivit le mouvement, pour s'habiller avec élégance. C'était Valorah qui avait choisi les habits de chacun, elle avait de très bon goûts pour ce genre d'événement. Nef était donc vêtu d’une chemise rouge bordeaux avec des liserais noirs sur les manches, le col et le long de ses boutons. En parlant de boutons, Nef portais des boutons de manchette en forme de clé de sol en argent. Pour aller avec sa chemise, Valorah lui avait dégoté un petit gilet noir très classieux. En bas c’était un pantalon noir, simple mais qui faisait toujours son petit effet. Pour une fois, Nef avait dompté ses cheveux qu’il laissait habituellement en vrac. Il avait fait une queue de cheval basse pour pouvoir mettre le magnifique haut de forme déniché par notre chère chapelière folle. Il avait également taillé sa barbe. Ce soir là, Nef rayonnait d’une grande classe qu’il ne soupçonnait guère en lui. La jeune femme aux chapeaux avait trouvé la tenue parfaite pour lui.

Une fois tous les participants apprêtés, ils se rejoignirent sur le pont. On entendit quelques moqueries venir des uns et des autres, mais chacun avait gardé la surprise l'allure de tout le monde. Ensemble, ils décidèrent de quitter l'Elian, que Lucky avait amarré prêt du lieu de rendez-vous, comme l'avait demandé Isobel. Des lumières étaient rivées sur le bateau, le mettant en valeur. L'équipage merveilleusement habillé descendit donc du bâtiment, rejoignant Isobel qui les attendait de pied ferme. Elle leur sourit, ravie qu'il y ait autant de participants. Elle avait de petits objets dans les mains. Ce fut en s'approchant d'eux qu'elle vint donner un loup blanc aux hommes et un loup fait de dentelles aux femmes. Elle embrassa Valorah avant de se mettre devant eux et de commencer à les briefer.

« Bien. Bienvenue à tous d'une part. J'aimerais que tout soit clair pour le déroulement de la soirée. Des loups sont distribués à chaque invité, vous avez les vôtres. Ensuite, l'invité du bal n'était pas censé être l'Elian au début, mais ça a changé, vous êtes les invités d'honneurs. Vous pourrez évidemment profiter des boissons et du buffet à volonté. Cependant, vous devez faire bonne figure. Voici vos directives : l'Elian est un bateau de mercenaire, qui combat la piraterie pour gagner la paix dans le ciel. Oh, ne riez pas trop, si vous voulez être de nouveau accueillis comme des rois à Phylégride c'est ce qu'il vous faudra raconter. Embellissez vos postes, ne soyez pas des assassins ou des pillards… Dites que vos gains reviennent directement à des orphelinats ou autre. Je m'en moque que ce soit faux, mais il vous faut vous vendre comme si vous étiez une perle rare, et lisse. J'espère avoir été claire… Je vous laisse à présent profiter de votre soirée. Ah, au fait, évitez de vous faire prendre lorsque vous ferez les poches de vos cavaliers ou cavalières... »

Isobel rit. Elle prit Nef à son bras pour entraîner le groupe dans la grand salle. Chacun mit son loup en place. La fête pouvait commencer.

Isobel chuchota à l'oreille de notre troubadour « Tu es nouveau sur l'Elian ? Je ne t'avais pas remarqué la dernière fois. » Nef esquissa un sourire et déclina bien gentiment les avances d’Isobel. Valorah avait fait un trop bon travail. « Dites moi plutôt quel genre de musique horrible vous allez nous abreuver ce soir ? Encore votre musique fade et hautaine de bourgeois ?. » Isobel  sembla se renfrogner, elle n'aima pas tellement la façon directe que Nef avait de lui parler. Il le remarqua et essaya de se rattraper comme il le put: « Pardon, ce n'est pas vraiment ce que je voulais dire. C'est juste que grâce aux voyages que j'ai pu faire, je suis devenu très exigeant en matière de musique et je n'apprécie pas que de petits bourgeois se pensant talentueux massacre mon art. » Isobel sembla retrouver sa bonne humeur. « Bien mais sache, Nef, que j'ai fait venir les meilleurs pour ce bal donc arrête de stresser mon choux et invite moi à danser plutôt. » Sur ce Isobel rentra dans la grande salle de réception, malgré tous ses voyages Nef ne put qu'en rester estomaqué. C'était somptueux, on voyait d'où pouvait provenir les bons goût de Valorah. Sa tante savait organisé une fête. Nef s'avança puis proposa à leur hôte une danse comme elle le lui avait demandé. Il dansa avec elle de bon cœur mais quelque chose au fond de lui ne convenait pas. Il manquait quelque chose à la musique, il manquait des sentiments. Ce qui fait la différence entre une bonne musique et la meilleur musique, réside dans la passion qu'on insuffle. Chaque geste, chaque inspiration, chaque expiration doit être pour le morceau qu'on joue. Nef avait vu juste, ces musiciens étaient connus, célèbre mais ce n'étaient que des rapiats qui faisaient cela pour l'argent et la notoriété, pas pour l'art. Durant la danse, Nef demanda la permission à Isobel de jouer pour ses invités. Au début, elle eut peur que le pirate ne fasse tout déraper en se mettant à chanter des chansons grivoises, mais sa façon de parler de la musique la convainquit finalement. « D'accord, tu peux jouer un morceau mais seulement un. » Nef était aux anges, il allait pouvoir montrer la vrai puissance de son art. Il s'approcha doucement du piano. « Bien le bonsoir Messieurs, je vous pris de faire place et de me laisser jouer sur ce piano. » (bande de manant de la musique rajouta-t-il entre ses dents).
Nef pris un micro puis se présenta, « Bonsoir gentes Dames et Messieurs, je me présente Nef de l'Elian, grâce à la bonté d'âme de notre hôte que je vous demande d'applaudir chaleureusement, j'ai l'honneur de vous interpréter une valse écrite par moi-même. » La foule fut un peu dubitative. Mais dès les première notes, les gens se mirent à se mouvoir comme par magie, avec élégance et énergie. Mais deux personnes se démarquèrent car ils semblaient directement manipulé par les mains de notre artiste, c'était Grey et une femme que Nef ne connaissait guère. A la fin du morceau, la foule quémanda plus de morceaux, ils ne voulaient plus de ces charlatans qu'il y avait avant. Nef avait le sourire jusqu'aux oreilles, c'était comme ça qu'il se sentait vivant. Alors Nef se donna sans modération à son art, il joua, de tous les instruments qui étaient à sa disposition: violon, guitare, flute traversière, flute classique, tout y passa.
Arrivé au dernier morceau, Nef salua le public puis s'excusa pour aller se désaltérer au bar. Ce fut un vrai calvaire, en effet il était assailli de question sur d'où il venait, comment un tel talent pouvait-il rester aussi secret ?
Pris de panique, Nef ressentis le besoin d'espace, d'air. Il se mit donc à courir vers la sortie. C'est à ce moment précis qu'il percuta une jeune dame. Mais ce n'était pas n'importe quelle dame car celle-ci avait des cornes, Nef se demanda si c'étaient des vrais ou si elles étaient factices.

To be continued…

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27 mai 2015

Tomber les masques

Tomber les masques

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Le soir du bal était arrivé. Il était arrivé plutôt vite même, mais l'équipage avait pu profiter assez décemment de toutes les activités que pouvait offrir Phylégride. Évidemment, ils n'eurent rien à débourser, ils étaient devenus en très peu de temps les invités de Isobel. Et comme le bal n'était plus que dans quelques heures, tous ceux qui voulaient y participer partirent dans leur coin pour s'apprêter. Valorah avait invité les filles dans son boudoir pour qu'elles soient parfaites. La principale intéressée avait décidé d'y participer, pour des raisons qui lui étaient propres, et personnes ne demandait pourquoi elle venait. Valorah suivit le mouvement, pour s'habiller avec élégance. C'était elle qui avait choisit les habits de chacun, elle avait de très bon goûts pour ce genre d'événement. La jeune femme était donc vêtue d'une robe couleur bleu roi parée de broderies au fil d'or. Les manches lui arrivant un peu au dessus des coudes étaient faites de dentelles, dont les motifs étaient remarquablement travaillés, la robe lui offrait un merveilleux port de tête, dévoilant une large parcelle de peau avec son décolleté carré. On trouvait donc la broderie d'or le long du col, et sur le rebord des voilages des manches. Valorah portait évidemment un corset bleu roi avec des motifs dorés pour aller avec sa robe. Pour finir, on pouvait trouver un ruban en satin doré souligner le corset pour se terminer en un joli nœud dans le bas de son dos. Pour la partie jupe de la robe, une première sous couche bleue roi, avec un pardessus bleu roi et doré, qui traînait à une quinzaine de centimètre derrière la tireuse. Mais qu'était Valorah sans un chapeau ? Elle était inimaginable sans cet accessoire, ce pourquoi elle avait trouvé un chapeau assez imposant, qui tenait bien en place sur sa tête, mais qui ne gênerait en rien lorsqu'elle danserait. Et ce serait les cheveux attachés d'un chignon tenu par son accessoire favori que Valorah se rendrait au bal. La jeune femme aux chapeaux avait trouvé la tenue parfaite pour elle-même.

 

Une fois tous les participants apprêtes, ils se rejoignirent sur le pont. On entendit quelques moquerie venir des uns et des autres, mais chacun avait gardé la surprise l'allure de tout le monde. Ensemble, ils décidèrent de quitter l'Elian, que Lucky avait amarré prêt du lieu de rendez-vous, comme l'avait demandé Isobel. Des lumières étaient rivées sur le bateau, le mettant en valeur. L'équipage merveilleusement habillé descendit donc du bâtiment, rejoignant Isobel qui les attendait de pied ferme. Elle leur sourit, ravie qu'il y ait autant de participant. Elle avait de petits objets dans les mains. Ce fut en s'approchant d'eux qu'elle vient donner un loup blanc aux hommes et un loup fait de dentelles aux femmes. Elle embrassa Valorah avant de se mettre devant eux et de commencer à les briefer.

 

« Bien. Bienvenue à tous d'une part. J'aimerais que tout soit clair pour le déroulement de la soirée. Des loups sont distribués à chaque invité, vous avez les vôtres. Ensuite, l'invité du bal n'était pas censé être l'Elian au début, mais ça à changé, vous êtes les invités d'honneurs. Vous pourrez évidemment profiter des boissons et du buffet à volonté. Cependant. Vous devez faire bonne figure. Voici vos directives : l'Elian est un bateau de mercenaire, qui combat la piraterie pour gagner la paix dans le ciel. Oh, ne riez pas trop, si vous voulez être de nouveau accueillis comme des rois à Phylégride c'est ce qu'il vous faudra raconter. Embellissez vos postes, ne soyez pas des assassins ou des pillards… Dites que vos gains reviennent directement à des orphelinats ou autre. Je m'en moque que ce soit faux, mais il vous faut vous vendre comme si vous étiez une perle rare, et lisse. J'espère avoir été claire… Je vous laisse à présent profiter de votre soirée. Ah, au fait, évitez de vous faire prendre lorsque vous ferez les poches de vos cavaliers ou cavalières... »

 

Isobel rit. Elle prit Nef à son bras pour entraîner le groupe dans la grand salle. Chacun mit son loup en place. La fête pouvait commencer. Et pourtant Valorah ne perdait pas de vue l'objectif premier du bal ; trouver Charles Cooper, l'intercepter et lui soutirer toutes les informations possibles pour ensuite lui enlever la vie. C'était dans l'idéal. Elle avait déjà fait ce genre d'interrogatoire musclé lorsqu'elle faisait partie du gang, et avait vite perdu patience. Elle espérait que Grey soutire autant d'information possible, mais elle sentait bien que cela allait être compliqué.

 

Mais ce soir, Valorah était dans son élément. Elle ne fut pas surprise de voir sa tante habillée presque de la même façon qu'elle, sa robe était rouge avec des broderies noires, et sa chevelure de blé allait attirer bien des regards. Cela n'étonnait pas la pirate, Isobel, tout comme elle, aimait séduire pour pouvoir profiter des soirées. Parce que lorsque le charme opère, on peut presque tout avoir… Inutile de dire que c'était Isobel qui lui avait inculqué ce rythme de vie. Séduit et tu seras comblée. Ce fut Grey qui la tira de ses pensées, lui proposant son bras, auquel Valorah s'accrocha en souriant. Ils avaient prévu de mettre le feu au plancher tous les deux, et le plus drôle était que ce n'était pas la toute première fois qu'il dansait ensemble. Tous entrèrent dans la grande salle de bal, le couple de danseur se dirigea immédiatement sur la piste de danse pour laisser place au spectacle. Ils se mirent alors en place pour commencer leur valse voltigeuse. Car c'était ce qu'elle était. Et pourtant, même si la jeune femme au chapeau se sentait dans son élément, elle sentait que son compagnon de danse était ailleurs, ses bras étaient tremblants et son regard perdu. Il fallait qu'elle le réveille, ce qu'elle fit en déviant de leur programme de base.

 

Elle retrouvait son danseur, et enfin ils purent entreprendre de faire des mouvements plus osés, moins traditionnel. Et tout ceci semblait bien plaire. L'assistance s'était écartée du couple pour pouvoir mieux l'admirer. Valorah pouvait voir et s'abreuver des regards emplis de jalousie des nombreuses femmes présentes. Oui, elle aimait qu'on la jalouse, elle aimait aussi avoir tous les yeux rivés sur elle. Elle ne serait pas surprise de voir plusieurs messieurs lui demander une danse après cela… L'orchestre vint à mettre fin à la musique, faisant se retrouver les deux amis dos à dos. Les applaudissements retentirent, et Valorah eut tout juste le temps de voir et comprendre ce que Isobel leur disait avant de se retrouver entourée d'hommes lui demandant de bien vouloir leur accorder une danse. Elle jeta finalement son dévolu sur un homme aux cheveux grisonnant et à la veste pourpre. C'était des couleurs qui attiraient l'oeil, l'homme avait bien choisit sa tenue, lui aussi. Ils entamèrent alors une valse, bien plus calme que la précédente, et la pirate pu se reposer un peu dans les bras de son inconnu.

« Votre visage m'est familier, milady.

- Le votre ne me l'est point. Vous m'excuserez d'écourter notre danse, il me semble avoir de la famille à aller reconnaître. »

L'homme n'ajouta rien, assez surpris de la réponse de sa partenaire, qui profita d'un écart de sa part pour lâcher sa main, le saluer et rejoindre sa tante chérie.

 

Valorah leva les yeux au ciel, sans en perdre son sourire, il fallait quand même qu'elle fasse bonne figure, rejoignant Isobel, elle en profita pour prendre une coupe de champagne à la volée à un serveur qui passait non loin d'elle. Prendre une coupe aussi rapidement sans faire tomber le plateau du pauvre homme relevait du défit. Mais la pirate avait de l'expérience en la matière. Sa blonde l'appela lorsqu'elle l’aperçu, Isobel et sa discrétion légendaire. On lui proposa d'autres boissons, et de petits amuse-bouche, la blonde lui présenta des cousins éloignés dont Valorah ignorait l'existence. Ils parlèrent beaucoup, faisant des louages à ce cher Lear. Jusqu'à ce que la jeune femme perde patience, sa coupe était vide. Elle s'éclipsa rapidement, ces cousins se moquaient bien d'elle, ils n'avaient d'yeux que pour Isobel. Valorah chercha des yeux ses camarades, elle aperçu Fenrir en train de danser, tout en faisant les poches de son cavaliers, puis, dans l'ombre, elle reconnu Shadow. Attrapant deux coupes, elle se dirigea vers lui en souriant. Elle avait dû l'amener de force au bal, mais elle lui avait trouvé un joli costume… Un costume trois pièces en velours noir et queue de pie, tout en sobriété et finesse il n'y avait pas d'éléments brodés ou autre ajouté à la pièce. Seulement un nœud papillon en satin gris, histoire d'être bien habillé pour l'occasion.

 

Lui tendant une coupe, Valorah se posta à côté de lui, croisant les bras, pour regarder l'assistance. Bien entendu, elle ne s'attendait pas à ce qu'il lui fasse un sourire ou autre, ce n'était pas de son genre. Pourtant, elle se devait de prendre de ses nouvelles, le pauvre…

«  Comment se passe votre soirée, cher ami ?

- Bruyamment.

- Bien, fit-elle en gloussant légèrement. Je ne vais pas tarder à aller appréhender notre cible, tout dépend d'Isobel en fait... »

 

Il haussa les épaules. Valorah se pinça les lèvres avant de le quitter, venant poser sa coupe à moitié pleine sur le plateau d'un des serveurs. Elle s'apprêtait à rejoindre sa tante lorsque quelqu'un l'attrapa par le bras, venant la mettre en place pour entamer une danse. « Vous permettez ? » Valorah était sans voix, jamais on avait osé danser avec elle sans lui demander. Ce n'était pas de bon ton pour les gentlemen de faire une chose pareille. Mais l'homme qui l'avait enlevée ne semblait pas malveillant au premier abords, la pirate ne savait que faire dans ses bras en tout cas, si ce n'était tout simplement de danser. Son cavalier était plutôt bon danseur, mais il avait la sale manie de balader ses mains dans des endroits impromptus. Ce n'était pas des gestes pervers, loin de là, il cherchait simplement des choses que la pirate ne portait pas. Soudain, il vint à son oreille, lui glisser quelques mots…

« Vous devriez dire à votre amie de se faire plus discrète lorsqu'elle leur fait les poches… Avant qu'elle ne se fasse prendre.

- Vous devriez faire de même, Monsieur, lui répondit-elle en regardant Fenrir qui récoltait son butin. Je n'ai rien sur moi qui ait une quelconque valeur... »

 

Les mains de son cavaliers s'immobilisèrent, avant de revenir à leur juste place. Valorah sourit, puis elle aperçu sa tante danser avec le médecin de bord. Isobel était joyeuse, puis lorsqu'elle vit sa nièce, elle lui indiqua des yeux l'homme qu'elle cherchait. Valorha écarquilla les yeux en voyant l'homme, elle l'avait envoyé valser quelques heures plus tôt, son approche allait être délicate. Peut être aussi délicate qu'étrange… La pirate vit les yeux de Grey flamber d'impatience, il devait attendre un peu, le moment n'était pas encore venu. Et lorsque leurs regards se croisèrent, elle lui sourit, d'un sourire malicieux. Et tandis que Grey était coincé avec la jolie blonde, la jeune femme embrassa la joue de son cavalier, s'excusant de ne pas terminer leur danse, mais elle avait des choses à faire. Il resta lui aussi penaud, comme Cooper lorsqu'elle avait mit fin à leur rencontre.

 

Valorah soupira tout en se dirigeant vers le groupe de personnes qui entouraient l'homme à l'habit pourpre. Elle se posta légèrement derrière lui, attendant le meilleur moment pour lui adresser à nouveau la parole. Lorsqu'elle entendit une femme prononcer son nom, la pirate vint poser sa main sur son bras, attirant son attention. Il se retourna, arquant un sourcil avant de se rendre compte qu'il s'agissait d'elle, son visage devint plus doux alors.

« Milady ?

- Monsieur Cooper ? Votre nom m'est familier…

- Je me disais bien que vous ne pouviez me résister.

- En effet... »

Elle discuta un moment avec le groupe qui les entouraient, riant avec eux, lui arrachant des rires doux et francs, forcés. Au bout d'un certain temps, Charles lui demanda à nouveau si elle voulait bien danser avec lui, mais elle lui confia qu'elle avait une meilleure idée en tête, qu'une simple danse. Valorah agrippa son bras, son coeur hésitait entre battre avec douceur et avec violence. Elle n'était pas angoissée, cela devait forcément bien se passer. Traversant la salle à ses côtés, elle croisa le regard de Grey, puis celui de Shadow, ils les rejoindraient dans quelques minutes, histoires qu'elle le prépare un petit peu…

 

Ils s'écartèrent alors de la salle de bal, allant dans un couloir pour entrer dans une petite loge où un chapeau avait été entreposé avec discrétion. Valorah sourit, Isobel avait choisit une loge parfaite… Mais Cooper avait l'air pressé, elle n'eut le temps d'observer la salle qu'elle se fit plaquer contre un mur. Retenant son chapeau, elle écarta doucement l'homme, lui faisant les yeux doux. Le charme avait déjà opéré, mais elle avait peur que ses deux compagnons ne tardent trop à venir. Elle vint avancer une chaise au milieu de la salle, qui était plutôt sombre en fait, tout juste illuminée par quelques chandelles. Pourtant il revint à la charge, venant lui glisser à l'oreille que son visage lui faisait étrangement penser à son père. Valorah le poussa vivement cette fois, avant de se baisser en vitesse pour attraper Berth par le canon et lui donner un violent coup de crosse dans la mâchoire. Il tomba, sonné, dans la chaise, alors que son propre chapeau vint toucher le sol.

 

Valorah eut tout juste le temps de ramasser son bien avant de voir ses deux camarades à l'entrée de la porte. Elle se recoiffa sans un sourire avant de remettre son chapeau en place.

« Il est à vous. »

 

15 mai 2015

Souvenir Rugissant

Souvenir rugissant

 

 

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Fenrir avait le bateau en vue ! Enfin il était là, enfin elle allait pouvoir se débarrasser de sa robe. C'était, à cette heure-ci, son nouveau rêve. Enlever sa robe et prendre une douche ! Une bonne douche chaude. Rien qu'en y pensant elle eut un frisson de plaisir.

Mais en attendant, elle était là, pas loin du vide, à observer ce navire qu'elle chérissait, la prunelle de ses yeux et le refuge chaleureux de ses compagnons. Cet équipage insolite de treize bras-cassés bourrés de secrets. Fenrir, comme beaucoup d'enfants, avait eu beaucoup de rêves. Son dernier s'était réalisé ce soir, mais un rêve inavoué, enfouit tout au fond de son être, avait vu le jour au fil des ans. Planches après planches, vis après vis, la mécano avait construit avec Neir ce rafiot volant. Ce Rafiot qui avait pris une valeur toujours un petit peu plus importante à ses yeux à chaque fois qu'une nouvelle personne s'attablait dans la salle commune. Elle aimait penser que L'Elian avait réuni ces êtres différents et pourtant étonnement semblable pour la simple et bonne raison que c'est là qu'ils se sentiraient à leur place, sur ce navire sans attache.

La pirate leva les yeux et fixa les grandes voiles qui ondulaient mollement au gré du vent. Oui, L'Elian était sa fierté et l'équipage son bonheur. Impossible d'en douter. Une immense sourire étira ses lèvres.

Elle contourna le navire et trouva la corde qu'on avait laissé pendre pour remonter sur le navire. Elle commença à se préparer psychologiquement à escalader le cordage avec une robe quand elle se souvint qu'elle avait les mains prises : les bottes qu'elle avait retiré quelques minutes plus tôt… Fenrir les contempla quelques secondes, eut un hochement d'épaule et les lança par dessus le bastingage de toutes ses forces. Quand elle entendit le « boom » significatif, elle commença son ascension. Tout au long de son parcours elle ne put s'empêcher de penser à Valorah et Mirayhu … Et de les admirer … Comment faisaient elles pour porter ces horreurs toutes la journée ? Elle, ça faisait à peine cinq heures et elle n'en pouvait déjà plus … Les femmes étaient un mystère.

Arrivée sur le pont, elle poussa un grand soupir de contentement, qu'il était bon d'être chez soi ! En train d'astiquer ses armes, la mécano trouva Lucky assit sur le toit de sa cabine, il lui jeta un petit regard qui veut tout dire et eut un sourire. Fenrir n'eut pas besoin de se le faire « dire » deux fois … Elle se devait, pour elle comme pour les autres de retrouver une apparence normal.

La meccano s'arrêta quelques temps dans la salle d'eau et en ressorti les cheveux dégoulinants et le visage souriant. Une simple chemise, un pantalon et elle se sentait de nouveau elle-même.

Il était l'heure de finir le rêve … C'est à dire, compter les pièces ! La pirate jubilait.

Arrivée dans sa salle des machines, elle commença par pendre la robe à un tuyau, comme le lui avait appris Valorah, et à en détacher les deux bourses bien remplies. Le son qu'elles produisirent en heurtant le sol fut une caresse pour ses oreilles.

Fenrir s'assit alors à même le plancher, comme souvent, et vida son butin sur le sol. Le tintement des pièces les une contre les autres était exquis.

La mécano frétillait de joie devant l'amoncellement de tout cet or, pourtant, un éclat autre que le jaune caractéristique lui attira l'œil. Un éclat vert.

Une pointe de peur s'immisça dans l'esprit de la pirate. Elle retint son souffle et tendit fébrilement la main vers l'objet émeraude. La pointe de peur se mu en peur panique. L'objet en question était une vis. Une vis verte. Une vis en Algae. Une vis pleine de souvenirs, une vis à l'origine d'une histoire. La sienne. Celle de la gamine maudite, l'enfant brisée qu'avait été Fenrir.

L'enfant brisée qu'était toujours Fenrir.

Délaissant son butin, la mécano se saisit de ladite vis et l'observa, le regard déchiré entre la rage et la tristesse.

Finalement, ce fut la douleur.

Une boule se forma au creux de son estomac, déformant ses traits, crispant ses lèvres.

Les rires, l'émerveillement, le plaisir.

La boule remonta dans sa gorge, lui coupant le souffle.

L'explosion, la chute, l'impact.

Puis la boule explosa, libérant une larme, puis une autre.

Le feu, le sang. La Mort.

Un flot continu coulait maintenant sur les joues de la jeune fille.

Comme une gigantesque vague qui balaye tout, un flot de souvenirs jaillit, balayant les instants de bonheur qu'elle avait pût passer jusque là. Tout s'était terni face à ce retour en force de la Douleur.

La pirate poussa alors un long cri silencieux. Si la Douleur pouvait être atténuée grâce à un hurlement, Fenrir se serait arrachée les cordes vocales.

Et puis … Les autres ne devaient pas la voir comme ça … Jamais.

Tout lui revint en mémoire, l'odeur des cheveux de sa mère brûlant, la vue du corps de son père brisé, le rejet de tous. Sa fuite, son isolement, ses larmes.

Ces gouttes d'eau salées qui, même au travers des âges, n'avaient pas changé. Ces petites gouttes de rancœur, de tristesse, de douleur.

Les bons moments avaient un goût de culpabilité.

Fenrir se laissa tomber au sol et se recroquevilla sur elle-même, serrant la vis dans son point et contre son cœur. Ses parents lui manquaient terriblement. Il y avait tellement de choses qu'elle n'avait pas vécue.

Se faisant toujours plus petite sur le plancher de sa grande salle des machines, ses sanglots redoublèrent.

Sa poitrine était douloureuse, elle tremblait.

Elle pleura encore quelques instants, essayant de recoller les lambeaux de son cœur et de son âme.

Enfin les larmes se tarirent, laissant qu'un regard vide fixé sur un point invisible.

Puis la mécano' s'endormit. Toujours en position fœtal, la vis contre le cœur.

Elle se réveilla une heure après, les yeux rougis et enflés par les larmes, les cheveux plus en bataille que jamais et le poing serré sur l'objet de sa tourmente.

La pirate se releva, s'assit sur le sol, regarda la vis verte encore une fois et se trouva ridicule. A quoi bon pleurer sur le passé ? Il faut avancer, seul l'Avenir compte.

Pourtant, après la Douleur et la Tristesse, le doute l'assaillit. Que faisait cette vis dans les poches d'un nobliau ? Elles étaient uniques et créées spécialement pour le Celsior, elles portaient malheurs.

Cette vis ressemblait étrangement à un trophée. Le souvenir d'un exploit … Sinon, pourquoi garder dans sa bourse un objet à l'origine d'un désastre ?

Un goût amer lui envahit la bouche. Ce n'était pas un accident … C'était une machination … Elle en était persuadée.

Mais alors, Pourquoi le Celsior? Contre qui ? Comment ? Dans quel but ?

A défaut d'une vengeance, Fenrir ne voulait plus que des réponses.

 

12 mai 2015

A la croisée des murmures

A la croisée des murmures

 

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Le soir du bal était arrivé. Il était arrivé plutôt vite même, mais l'équipage avait pu profiter assez décemment de toutes les activités que pouvait offrir Phylégride. Évidemment, ils n'eurent rien à débourser, ils étaient devenus en très peu de temps les invités de Isobel. Et comme le bal n'était plus que dans quelques heures, tous ceux qui voulaient y participer partirent dans leur coin pour s'apprêter. Valorah avait invité les filles dans son boudoir pour qu'elles soient parfaites. Grey avait décidé d'y participer, pour des raisons qui lui étaient propres, et personnes ne demandait pourquoi il venait. Grey suivit le mouvement, pour s'habiller avec élégance. C'était Valorah qui avait choisit les habits de chacun, elle avait de très bon goûts pour ce genre d'événement. Le médecin était donc vêtu d'une magnifique redingote grise dont le dos était brodé d'un oiseau stylisé noir et rouge, qui faisait penser à un phénix. Valorah avait tout de suite su que l'habit plairait à Grey, et elle avait assorti sa tenue d'un costume noir sur une chemise blanche, égayée d'un nœud papillon pourpre. L'ensemble était élégant et original, deux qualités qu'appréciait tout particulièrement le médecin. La jeune femme aux chapeaux avait trouvé la tenue parfaite pour Grey, qui n'en finissait plus de louer le talent de son amie.

 

Une fois tous les participants apprêtes, ils se rejoignirent sur le pont. On entendit quelques moquerie venir des uns et des autres, mais chacun avait gardé la surprise l'allure de tout le monde. Ensemble, ils décidèrent de quitter l'Elian, que Lucky avait amarré prêt du lieu de rendez-vous, comme l'avait demandé Isobel. Des lumières étaient rivées sur le bateau, le mettant en valeur. L'équipage merveilleusement habillé descendit donc du bâtiment, rejoignant Isobel qui les attendait de pied ferme. Elle leur sourit, ravie qu'il y ait autant de participant. Elle avait de petits objets dans les mains. Ce fut en s'approchant d'eux qu'elle vient donner un loup blanc aux hommes et un loup fait de dentelles aux femmes. Elle embrassa Valorah avant de se mettre devant eux et de commencer à les briefer.

 

« Bien. Bienvenue à tous d'une part. J'aimerais que tout soit clair pour le déroulement de la soirée. Des loups sont distribués à chaque invité, vous avez les vôtres. Ensuite, l'invité du bal n'était pas censé être l'Elian au début, mais ça à changé, vous êtes les invités d'honneurs. Vous pourrez évidemment profiter des boissons et du buffet à volonté. Cependant. Vous devez faire bonne figure. Voici vos directives : l'Elian est un bateau de mercenaire, qui combat la piraterie pour gagner la paix dans le ciel. Oh, ne riez pas trop, si vous voulez être de nouveau accueillis comme des rois à Phylégride c'est ce qu'il vous faudra raconter. Embellissez vos postes, ne soyez pas des assassins ou des pillards… Dites que vos gains reviennent directement à des orphelinats ou autre. Je m'en moque que ce soit faux, mais il vous faut vous vendre comme si vous étiez une perle rare, et lisse. J'espère avoir été claire… Je vous laisse à présent profiter de votre soirée. Ah, au fait, évitez de vous faire prendre lorsque vous ferez les poches de vos cavaliers ou cavalières... »

 

Isobel rit. Elle prit Nef à son bras pour entraîner le groupe dans la grand salle. Chacun mit son loup en place. La fête pouvait commencer.

 

Lorsque Valorah leur avait demandé qui l'accompagnerait au bal, Grey avait immédiatement accepté. D'une part, parce qu'il avait vraiment envie de danser à nouveau avec elle, mais aussi car la jeune femme avait prononcé un mot qui avait fait naître en lui une détermination sans faille. « Tests ». Alors que le groupe rentrait dans la salle de bal, Grey proposa son bras à Valorah qui l'accepta avec un sourire. Grey avait appris récemment, en discutant avec Fenrir, que le père de Valorah dirigeait une des plus grandes compagnies de production de Valiôm qui fut, mais surtout qu'il avait pour associé Lord Cavendish. Grey n'avait pas encore trouvé le courage d'en discuter avec Valorah, et bien qu'il sut qu'elle était beaucoup plus forte que son apparence pouvait le suggérer, il se voyait mal lui dire « au fait, un des meilleurs amis de ton père a fait des expériences pas forcément très sympathiques sur moi, et j'aurais plutôt envie de lui faire payer chèrement ».

Ainsi, lorsque Valorah poussa Grey discrètement vers la piste de danse, il était troublé. Mais il n'en laissa rien paraître. Après tout, Isobel leur avait confié une mission, et Grey comptait bien la remplir. Les deux amis passèrent donc près de Fenrir qui était en train d'essayer de danser, pour se placer au centre de la salle. La cœur de Grey battait fort dans sa poitrine, car, bien qu'il se soit beaucoup entraîné, le moindre faux pas ruinerait l'effet que Valorah et lui avaient prévu. Il prit néanmoins la main de sa partenaire et commença à la faire tourner.

Les deux amis voulaient faire une entrée grandiose. Ils avaient donc opté pour un style de valse qui favorisait les tours, les portés, et qui mettait en valeur la robe de Valorah. Les couples autour d'eux s'écartèrent petit à petit, laissant la place au duo. Si Valorah semblait dans son état naturel, Grey était concentré, tout en essayant de paraître le plus naturel possible. Il voyait autour d'eux les convives qui les regardaient avec délectation, tout en se chuchotant à l'oreille.

D'un regard, Grey et Valorah se comprirent. Ils avaient réussi leur pari. Dès lors, Grey se détendit grandement et leur danse trouva un souffle nouveau, en tentant des mouvements vraiment inhabituels. Tantôt un double tour, tantôt un changement de direction. Les deux amis étaient exaltés, et bientôt, presque tous les couples qui étaient autour d'eux avaient cessé de danser afin de regarder les deux pirates. La musique s'acheva bientôt tandis que Grey et Valorah finissaient un mouvement en se retrouvant dos à dos. De nombreux applaudissements éclatèrent autour d'eux, et les deux amis saluèrent.

Isobel vint vers eux tandis que le danse suivante commençait.

« Bravo, mes chéris ! Je n'en attendais pas autant, mais là, je suis comblée ! Ils vont tous vous adorer. Bon je vous laisse, continuez bien à les séduire. »

Grey quitta Valorah pour aller se chercher un verre. Cette danse lui avait donné soif, et il sentait ses genoux faiblir à mesure qu'il revenait dans un monde normal. Il essaya d'être le plus élégant possible en descendant à grandes gorgées un liquide pétillant. Au bout du troisième verre, il se sentait mieux, jusqu'à ce qu'un désagréable picotement lui chatouille l'estomac. Il avisa un serveur qui le regardait d'un air navré.

« Excusez moi, qu'est-ce que je viens de boire ?

- Du Champagne monsieur. Une boisson délicate qui se déguste. »

Ignorant la remarque dédaigneuse du serveur, Grey s'éloigna de ce délicieux nectar. Il sentit la chaleur lui monter au visage, accompagnée d'une sensation terriblement agréable de légèreté. Il se mit à sourire bêtement, et lorsqu'il vit Fenrir danser, il ne put s'empêcher de rire comme un enfant. Une femme s'approcha de lui en souriant.

« Je dois avouer que moi aussi, ce navrant spectacle me fait rire, dit-elle en prenant le bras du médecin. »

Ce fut autant le dédain de la femme que sont entêtant parfum qui firent éclater la bulle de bonheur dans l'esprit de Grey. Il se dégagea brusquement.

« Sachez madame que sa maladresse n'a d'égal que votre impolitesse, et que le moindre de ses faux pas a plus de valeur à mes yeux que le plus sucré de vos mots, rétorqua-t-il d'un ton glaciale. »

La mâchoire de la femme se décrocha, et Grey, satisfait, s'éloigna d'elle. Son organisme avait réussi à contrecarrer l'effet du champagne, mais il sentait tout de même poindre un désagréable mal de tête. Il se dit qu'un peu d'air frais lui ferait du bien. Il avisa une porte ouverte sur un balcon et se dirigea vers l'extérieur. Une vingtaine de convives y discutait, certains fumant des gros cigares que Grey trouvait nauséabond. Pour ce qui était de l'air frais, c'était raté. Mais Grey se dit que ces discussions seraient pour le moins instructives. Faisant mine d'observer la ville en s'appuyant sur la balustrade, Grey tendit l'oreille.

« Je vous le dis, soufflait un gros homme à moustache, nous ne sommes plus en sécurité. Ces maudits pirates peuvent nous atteindre partout.

- Vous savez tous pour ce que s'est passé la semaine dernière, chuchota une femme vêtue de noir.

- Une terrible histoire, reprit le premier. Ils ont failli parvenir à s'échapper. Mais notre ami Claudius est plus malin que ces rats. Il a réussi à les avoir et il les tient prisonnier pour les interroger.

- Quel homme, dit une autre femme. Je ne voudrais pas l'avoir contre moi. J'aurais presque pitié de ces pirates s'ils n'étaient pas les verrues qu'ils sont. »

Le groupe rit en acquiesçant. Grey les écouta encore un peu, mais ils se mirent à discuter du prix du cuivre, sujet beaucoup moins intéressants. Grey ne savait pas de qui ils avaient parlé, mais il avait un mauvais pressentiment. Il regarda un instant ces gens, et il fut pris d'un profond dégoût. Ce n'était pas le fait que ces gens soient riches qui le dérangeaient, mais c'était surtout leurs préjugés, et cette manière qu'ils avaient de rabaisser les autres afin de se sentir plus puissant. Grey regretta presque d'avoir danser pour des gens comme ça. Il rentra dans la salle de bal et chercha du regard un de ses amis pirates. Il vit Carter en train de danser, et Nef qui le vit et lui sourit. Grey répondit à son sourire et respira profondément. Il devait penser à la mission. Le reste n'avait pas d'importance. Il mit son dégoût et son malaise de côté et afficha un doux sourire. Il vit à peine Isobel qui venait vers lui et l'entraîna sur la piste de danse.

« Regard par dessus mon épaule, l'homme au cheveux poivre et sel, au costume pourpre et aux manchettes accrochées par un rubis, lui souffla-t-elle. »

Grey vit Valorah qui dansait non loin et qui regardait dans le direction que lui indiquait Isobel. En effet, l'homme discutait avec une jolie femme, en lui chuchotant à l'oreille. Charles Cooper.

« Très bien. Merci Isobel. On va s'en charger, dit Grey avec un sourire en s'éloignant d'elle.

- Ha non ! Nous avons commencé cette danse et nous allons la finir, s'exclama Isobel en se plaquant contre le médecin. »

Grey rougit en riant, mais acheva tout de même cette danse. Il regarda autour de lui alors qu'il tournait et fut frappé par le nombre de convives qui se murmurait à l'oreille. Il eut l'impression de se retrouver au milieu d'un nid de serpents, ce qui était probablement le cas. Il fit en sorte d'oublier les personnes autour pour se concentrer sur sa charmante partenaire. Lui aussi lui murmura des mots à l'oreille alors qu'il dansait. Mais ce ne furent rien d'autre que plaisanteries et compliments.

Alors que la valse s'achevait, Grey jeta un regard vers Cooper et se dit que bientôt, les cris remplaceraient les murmures. Grey lança un regard à Valorah qui lui répondit d'un sourire malicieux. Le médecin la vit s'approcher de Cooper. Faisant mine de discuter avec Isobel, il les observa. Valorah y allait fort. Elle riait, lui touchait le bras, le charmait. Bientôt, ils partirent tous deux vers un couloir qui desservait plusieurs salons et boudoirs. Avec un sombre sourire, Grey dit à Isobel :

« La partie a commencé. »

 

 

11 mai 2015

La Forge

La Forge

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Peu de temps après son arrivée sur l'Élian, Shadow commença à envisager de reprendre son activité de forgeron. En effet, trois choses l'en convainquirent : l'état parfois douteux de certaines réparations (le cubisme a son charme mais question étanchéité à l'air ou pire, à l'eau, ça reste moyen), de trop nombreuses lames émoussées qui n'avaient pas eu le temps d'être affûtées au cours des haltes de l'Élian et enfin l'arrêt chez le père de Grey où ils avaient effectué les réparations. Le manque d'une forge rendait le navire et son équipage dépendants de leurs arrêts au sol ce qui est triste pour des pirates de l'air. Shadow et Fenrir cherchèrent donc un lieu pour installer une forge. Il fallait que le lieu soit bien isolé et placé dans un endroit où le bruit ne dérangerait pas et où la fumée du four pourrait être facilement évacuée. Un bureau au premier sous-sol juxtaposant le Laboratoire de Kasai et qui avait été délaissé pour des raisons évidentes de commodité sonore sembla le choix idéal. Ensemble ils travaillèrent de longues heures pour installer les deux éléments principaux qu'ils avaient "empruntés" tant bien que mal à savoir le four qui ressemblait à une gueule d'animal hurlant et l'enclume qui posa quelques problèmes notamment pour la soulever. Fenrir et Shadow durent alors raccorder la sortie du four avec celle du four de la salle des machines afin de ne pas multiplier les sorties. A grand renfort de jurons aussi divers qu'imagés ils finirent par installer le four de manière à ce qu'il soit accessible et contre le mur qui séparait la Forge du Laboratoire. Il fallut ensuite le raccorder et donc trouver les sorties des conduits (brûlants car l'Elian était en vol) et joindre des tuyaux à l'aide de soudures réalisées dans des positions improbables (on a pu voir Shadow la tête en bas, ses lunettes vissées sur les yeux, suspendu au plafond de la salle des machines par les pieds pour déposer du métal fondu sur deux tuyaux biscornus et quasi inaccessibles).Il ne fut pas étonnant de voir les deux, couverts de suie à l'heure des repas (ceci entraînant, un jour pluvieux, une mise à la porte pure et simple sur le pont le temps que la pluie leur rende une apparence humaine). Vint alors le tour de l'enclume et son lot d'ecchymoses voire de blessures plus graves. En effet, en tentant d'ouvrir une porte pendant qu'elle soulevait l'enclume, les mains pleines de poussière de Fenrir lui jouèrent un tour et celle-ci échappa l'enclume sur son pied. De même, l'enclume simplement posée au centre de la salle glissa lors d'une manoeuvre de Lucky et coinça Shadow le long du mur, le forçant ainsi à souffrir une heure avant que Fenrir vienne le délivrer. Une triple fracture des orteils d'un côté et une belle luxation de la hanche de l'autre (merci Grey pour les soins) n'avaient pas entamé le moral des deux pirates et enfin ils touchaient au but : les éléments principaux étaient là, bien fermement fixés au sol (Shadow avait quelque peu insisté sur ce point). La porte et les murs furent ensuite blindés et isolés afin que la chaleur ne se dissipe pas dans tout le navire ce qu'il l'aurait rendu invivable. Enfin Fenrir fit un cadeau à Shadow à l'insu de celui-ci en bricolant un petit système afin que le forgeron n'ait qu'à actionner un levier pour enclencher une machine qui elle-même actionnait le soufflet nécessaire à une bonne combustion. Il s'avéra que cette ingénieuse invention était également capricieuse et le jour où la barbe de dix jours de Shadow devint une barbe de deux jours avec une forte odeur de grillé elle prit un gros coup de marteau et rejoignit la classe des "matières premières potentielles" . Il ne fallut que quelques jours au forgeron pour prendre possession des lieux et transformer cet ancien paradis pour araignées en une fournaise incandescente. Lorsque l'on descendait au premier sous-sol, on tombait devant deux portes en métal (que bon nombre de membres de l'équipage avaient fini par appeler les portes de l'Enfer). A droite, le Laboratoire, son danger, ses explosions ; à gauche, la Forge, sa chaleur et ses flammes. Lorsque l’on poussait la porte de gauche on tombait sur un spectacle étonnant. En effet, autant le “propriétaire des lieux” était froid et méthodique, autant son environnement de travail était un capharnaüm ardent. Une chaleur infernal régnait dans la pièce et l’on pouvait voir les flammes rouges et noires danser dans le reflet des lunettes du forgeron qui abattait son marteau sur les pièces de métal chauffées à blanc. En entrant dans la pièce on voyait tout d’abord l’âtre contre le mur de droite qui ressemblait à une gueule en métal d’un animal mythique particulièrement pourvu de crocs. Le four béant dont les flammes qui en sortent lui donne ce caractère effrayant prend une large part du mur car il mesure environ deux mètres de long pour un mètre de haut, surmonté ensuite par une cheminée qui conduit les fumées à travers la coque vers l’extérieur. Face à celui-ci, au centre de la pièce, trônait fièrement l’enclume rivetée au sol par huit énormes boulons. Dans le fond de la pièce, le mur était découpé en deux parties. La partie basse était un établis où reposaient en vrac de nombreux outils comme des pinces, des marteaux, des limes, des scies… ainsi que les créations en cours mais non achevées. La partie supérieure elle était presque rangée et était constituée d’une étagère sur laquelle étaient suspendues ou posées toutes les commandes terminées, les lames particulièrement bien disposées contrairement aux autres créations plus ou moins en tas dénotant la nette préférence du forgeron pour le travail des armes. Le mur de gauche, lui, était en grande partie masqué par des piles d’objets hétéroclites, souvent démantibulés, se chevauchant, s’entremêlant, se répandant sur le sol se mélangeant ainsi avec les chutes des précédentes utilisations. Ces objets (allant de la poussette au reste d’un automate) étaient de métaux divers et variés et servaient de matière première aux futures commandes. Le seul élément qui était parfaitement rangé propre et bien disposé se trouvait derrière la porte un peu caché de la vue de tous. Shadow l'avait récupéré en même temps que l'enclume et le four sans en dévoiler la vraie nature à qui que ce soit. L'objet était un cristal noir, parfois nervuré de veines argentées et mesurait environ un mètre vingt de haut pour soixante centimètres de diamètre. Autant dire énorme quand il s'agit de noctalium. Car telle était la nature de l'objet, un cristal gigantesque de noctalium. Le noctalium est un matériau unique en son genre, en effet il ne peut être trouvé que sur le Dépotoir ou dans les quelques laboratoires qui ont tenté de le reproduire. Vu par le commun des mortels comme un matériau de décoration, extrêmement dur à travailler, il a des propriétés fantastiques. Issu de l'obsidienne présente dans la roche utilisée pour créer la base du Dépotoir, mélangée à du duracier qui formait la plateforme sur laquelle ont été installés les moteurs, ces deux matériaux se sont amalgamés et ont fusionné ensemble sous l'effet de la pression lors de l'élévation originelle du Dépotoir dans les airs. Le matériau ainsi créé appelé noctalium est à la fois léger et extrêmement résistant. Shadow connaît bien ce matériau car les lames de Darkness et Requiem en sont constituées et c'est pourquoi il garde le secret un peu jalousement. On ne peut travailler ce matériau, si léger soit-il, que d'une manière : quand l'attraction de la lune est minimale et que des vibrations le parcourent de manière continue pendant qu'il est chauffé à blanc. Au contraire, le contact du sang durcira et aiguisera la lame. C'est pourquoi, lors de quelques rares nuits sans lune, à travers la porte blindée de la Forge, on peut entendre s'élever un chant grave mais mélodieux dans une langue guttural qui indique que Shadow forge une lame en noctalium. Cherchez le lendemain il aura un air fatigué, le bras droit pansé et un beau cadeau à faire..

Ah si vous avez une demande particulière pour Shadow en matière de métal, n'hésitez pas il est là pour ça. Par contre si vous entrez dans la Forge et que vous savez que Shadow y est : frappez fort et entrez prudemment, les accidents arrivent vite et un four de cette taille fait rapidement disparaître les preuves...

 

11 mai 2015

Fais-moi perdre la tête

Fais-moi perdre la tête

 Waltz

Musique (je sais c'est particulier comme choix XD)

 

 

 Le soir du bal était arrivé. Il était arrivé plutôt vite même, mais l'équipage avait pu profiter assez décemment de toutes les activités que pouvait offrir Phylégride. Évidemment, ils n'eurent rien à débourser, ils étaient devenus en très peu de temps les invités de Isobel. Et comme le bal n'était plus que dans quelques heures, tous ceux qui voulaient y participer partirent dans leur coin pour s'apprêter. Valorah avait invité les filles dans son boudoir pour qu'elles soient parfaites. Carter avait décidé d'y participer, pour des raisons qui lui étaient propres, et personne ne demandait pourquoi il venait. Carter suivit le mouvement, pour s'habiller avec élégance. C'était Valorah qui avait choisit les habits de chacun, elle avait de très bon goûts pour ce genre d'événement. Carter était donc vêtu d'un smoking blanc comme neige, qui le changeait beaucoup des costumes noirs légèrement rapiécés, dont la veste était en queue de pie. Un noeud papillon blanc également venait rajouter une touche d'élégance supplémentaire. La jeune femme aux chapeaux avait trouvé la tenue parfaite pour le chroniqueur.

Une fois tous les participants apprêtés, ils se rejoignirent sur le pont. On entendit quelques moqueries venir des uns et des autres, mais chacun était resté surpris concernant l'allure de tout le monde. Ensemble, ils décidèrent de quitter l'Elian, que Lucky avait amarré prêt du lieu de rendez-vous, comme l'avait demandé Isobel. Des lumières étaient rivées sur le bateau, le mettant en valeur. L'équipage merveilleusement habillé descendit donc du bâtiment, rejoignant Isobel qui les attendait de pied ferme. Elle leur sourit, ravie qu'il y ait autant de participants. Elle avait de petits objets dans les mains. Ce fut en s'approchant d'eux qu'elle vint donner un loup blanc aux hommes et un loup fait de dentelles aux femmes. Elle embrassa Valorah avant de se mettre devant eux et de commencer à les briefer.

« Bien. Bienvenue à tous d'une part. J'aimerais que tout soit clair pour le déroulement de la soirée. Des loups sont distribués à chaque invité, vous avez les vôtres. Ensuite, l'invité du bal n'était pas censé être l'Elian au début, mais cela a changé : vous êtes maintenant les invités d'honneurs. Vous pourrez évidemment profiter des boissons et du buffet à volonté. Cependant, vous devez faire bonne figure. Voici vos directives : l'Elian est un bateau de mercenaire, qui combat la piraterie pour gagner la paix dans le ciel. Oh, ne riez pas trop, si vous voulez être de nouveau accueillis comme des rois à Phylégride c'est ce qu'il vous faudra raconter. Embellissez vos postes, ne soyez pas des assassins ou des pillards… Dîtes que vos gains reviennent directement à des orphelinats ou autre. Je m'en moque que ce soit faux, mais il vous faut vous vendre comme si vous étiez une perle rare, et lisse. J'espère avoir été claire… Je vous laisse à présent profiter de votre soirée. Ah, et au fait, évitez de vous faire prendre lorsque vous ferez les poches de vos cavaliers ou cavalières... »

Isobel rit. Elle prit Nef à son bras pour entraîner le groupe dans la grand salle. Chacun mit son loup en place. La fête pouvait commencer.

Très vite, Carter avait trouvé sa place dans cette débauche de costumes et de dentelle. En la compagnie d'Ariane, il avait vite compris et retenu tous les mécanismes de ce monde aveuglant et bien trop doré. Et il connaissait bien ce qui se cachait derrière tous ces masques : l'ombre de l'avarice et de la luxure, l'appât du gain et la corruption. Pour un oeil avisé il n'était pas difficile de s'en rendre compte : par ici un lacet un peu trop desserré, ici une chevalière bien trop coûteuse...

Tss.

Carter suivit de près Fenrir qui venait de se lancer dans une suite de valse. Elle plaçait la barre un peu trop haut, la mécano...! Allait-elle s'en sortir? Carter n'en avait pas la hantise, mais cela l'angoissait quand même un peu...

Se saisissant d'un verre apporté avec plusieurs autres par un serveur sur un plateau d'argent, le chroniqueur se fraya un chemin dans la foule et se positionna à côté du buffet, à proximité de conversations futiles qu'il suivit d'une oreille distraite. La pathétique danse de son amie le fit horriblement grimacer, aussi vida-t-il son verre cul-sec. Heureusement pour lui, il tenait admirablement bien l'alcool... Il allait continuer à garder Fenrir à l'oeil quand soudain une voix de velours l'interpella délicieusement dans son dos. Avant de se retourner, son regard dévia vers une jeune femme plus loin, qui, dans l'ombre d'une colonne, affichait un air renfrogné. Elle était vêtue merveilleusement bien, et avait une tenue parfaite, un port de tête exquis, mais inexplicablement elle faisait tâche dans ce décor somptueux...

Néanmoins, Carter poursuivit dans son élan et se retourna complètement, se retrouvant face à une sublime créature. Un regard clair aux reflets améthyste, une longue chevelure d'ébène, une peau blanche comme un paysage d'hiver, des lèvres écarlates, des traits à couper le souffle. Son bustier mettait délicieusement en valeur sa poitrine voluptueuse et son corset ses hanches parfaites.

Carter avala sa salive de travers.

Mais ce qu'il ressentit alors s'apparentait plus à de la profonde méfiance voire à de la peur plutôt qu'à de l'attirance ou à de l'amour...

- Cela faisait longtemps que je n'avais vu homme si agréable à regarder lors d'une soirée mondaine..., déclara la jeune femme avec un sourire inquisiteur.

Carter lui fit un baisemain en retournant le compliment :

- Et moi de femme si exquise, dit-il avec un sourire charmeur bien que sur le moment il ne désirait que la voir s'éloigner loiiin de lui.

C'était une femme dangereuse, à n'en pas douter.

- Je viens d'arriver, et aucun de ces goûjats ne m'a encore proposé de danse, soupira-t-elle.

Si ce n'était pas un mensonge, Carter ne savait pas ce que c'était. Cependant, saisissant l'invitation indirecte uniquement par pure politesse, il tendit une main et demanda :

- Et bien, je n'osais pas vous demander cette faveur, madame...?

- Catherine. Catherine Landaneia, répondit la dénommée Catherine avec un sourire séducteur.

- Et bien, Catherine, m'accorderiez-vous cette danse?

- Avec grand plaisir, répondit-elle en le précédant sur la piste de danse.

 

La jeune femme, bien que marquée du sceau du péché, dansait merveilleusement bien. Mais elle avait quelque chose de différent de ces femmes se faisant passer pour des saintes... Elle était comme une Perséphone, reine des enfers, gardienne des secrets, intouchable parce que trop belle, invincible parce que trop intelligente, trop... sournoise.

Carter la fit tourner, la prit par les hanches, Catherine fit glisser ses doigts, se rapprocha du chroniqueur dans une valse fiévreuse brûlante d'un mélange de séduction et d'hostilité. Cette danse ressemblait presque à une guerre.

Une guerre que Carter se refusait à perdre. Car après tout, il était maintenant un pirate. Et en tant que pirate, il avait sa dignité.

Le couple fit encore un tour, et alors que le chroniqueur levait les yeux par-dessus l'épaule dénudée de Catherine, son regard croisa soudainement celui de la fille en retrait. Le temps sembla suspendre son vol.

L'échange ne dura qu'une seconde, mais il avait semblé durer de longues minutes. La fille, qui semblait attendre quelque chose les bras croisés, rougit violemment et tourna vivement la tête en fronçant les sourcils. L'échange intense fut brisé et Carter fut ramené à la réalité de la valse.

- Un problème? demanda Catherine avec un regard de serpent.

- Aucun, rétorqua l'intéressé avec un sourire.

- Vous savez, glissa-t-elle à l'oreille du chroniqueur. Je connais pas mal d'histoires intéressantes, sur les gens de cette assistance, notemment. Et je serais très intéressée à l'idée d'en connaître également sur vous...

- Des histoires que vous iriez raconter à votre prochaine proie? avança le pirate avec un sourire de glace.

- Ce qui est intéressant, ce n'est pas à qui les raconter, mais comment... Vous n'êtes pas d'accord...?

- On ne peut plus d'accord...

Le morceau approcha de sa fin et Carter jeta un oeil du côté de Fenrir. Celle-ci affichait un petit sourire satisfait et en était presque à siffloter. Sa robe semblait être légèrement descendue, ce qui fit deviner à Carter que la pêche avait été fructueuse du côté de la mécanicienne. Mais pour sa part, ce n'était pas de l'argent qu'il espérait récolter...En tournant la tête lors d'un énième tour, son regard croisa encore celui de la jeune femme dans l'ombre, qui une seconde fois détourna les yeux. Mais cette fois, elle semblait passablement agacée, voire même en colère.

La valse terminée, Carter accompagna Catherine hors de la piste de danse. Celle-ci lui glissa alors dans un souffle :

- Vous et moi, cette nuit...?

Carter sourit, s'attendant à la question depuis le début.

- Vous êtes sûre que vous voulez de moi dans votre lit, milady?

Catherine lui jeta un regard brûlant et inquisiteur qui transperça l'âme du pirate.

- Quel est votre nom? finit-elle par demander avec un sourire luxurieux.

- Carter. Carter O'Warren.

- Et que faîtes-vous dans la vie, monsieur O'Warren...?

Carter se délecta par avance de la réponse qui allait sans doute susciter une réaction chez la dangereuse jeune femme.

- Je suis chroniqueur, milady.

Catherine tiqua très subtilement.

- Vous voyez? ajouta le chroniqueur. Moi aussi, je connais beaucoup d'histoires. Et moi aussi, je sais les raconter... acheva-t-il en se pencha à l'oreille de Catherine.

Celle-ci perdit son sourire pour un regard légèrement hostile.

Carter lui adressa un sourire mêlant victoire et une pointe d'arrogance, et il se détourna de Catherine, qui fut rapidement entourée d'un groupe de jeunes hommes voulant à tout prix danser avec elle. Mais le regard améthyste de la perdante brûlait pour l'objet de sa défaite.

Le chroniqueur, croisant Kasai au buffet, en profita pour prendre un verre et discuter un peu, mais l'artilleur avait fort à faire pour ne pas perdre face à Fenrir en ce qui concernait la rapine, aussi la conversation fut écourtée. Carter se demandait quoi faire à présent, et s'apprêtait à sortir son carnet de note pour coucher quelques anecdotes sur le papier quand il aperçut de nouveau la mystérieuse jeune femme non loin de lui. Elle semblait dans la position parfaite pour l'espionner par des regards brefs et furtifs...

Il s'avança vers elle avec un sourire détaché et sembla la prendre par surprise car elle sursauta quand il l'appela :

- Excusez-moi...

- O-oui...?

La jeune femme était en réalité plus jeune que Carter ne l'avait cru de loin. Ses cheveux, qui lui arrivaient un peu au-dessus des épaules, était caramels tirant vers le roux. Elle avait un petit air enfantin et de grands yeux aux couleurs de coucher de soleil. Elle ne devait pas avoir plus de dix-huit ans, et sans doute un peu moins, et sa robe de mousseline était dans les tons jaunes et blancs, avec quelques touches de rose pâle. Et surtout, elle ne portait pas de masque, pour une raison inconnue.

Carter sourit, car bien que magnifique dans cette tenue, elle transpirait le malaise de se retrouver dans un tel endroit.

- Me feriez-vous la faveur de m'accorder cette danse ?

La jeune fille ouvrit de grands yeux et tourna la tête avec un air boudeur.

- Ne trouveriez-vous pas meilleure compagnie auprès de lady Landaneia ? répondit-elle avec une pointe de sarcasme, bien qu'écarlate.

- Certainement pas, rit Carter. Mais désolé de vous avoir importunée.

Et sur ces mots, le chroniqueur se détourna. Soudain, il sentit une main se refermer sur son poignet, et se retourna avec un petit sourire.

La fille, rouge jusqu'aux oreilles, braqua son regard éthéré droit dans celui du jeune homme et lança avec force :

- Faîtes-moi perdre la tête !

Il y eut quelques secondes de battement marqué par la surprise de Carter. La jeune fille elle-même sembla stupéfaite de ses propres geste et paroles et retira vivement sa main avant de tourner la tête, au comble de l'embarras.

- Je... je veux dire, euh... Oubliez ça, s'il vous plaît, c'était très emb...

- Avec plaisir.

- Pardon ?! s'exclama l'inconnue, éberluée de n'avoir pas été rejetée.

Carter lui pris la main et lui fit un baisemain.

- Perdons la tête ensemble, voulez-vous...?

La jeune fille rougit, et, une indescriptible expression sur le visage, se laissa guider sur la piste de danse au milieu des valseurs. Et avant qu'il ne mette ses mains sur ses hanches, Carter retira son masque avec un sourire complice.

- Mais... Pourquoi vous...? demanda l'inconnue, surprise, en rougissant de plus belle.

- Ce ne serait pas juste envers vous que vous soyez la seule à tomber les masques, ne pensez-vous pas?

- Je... En fait, je l'ai perdu... avoua la fille avec une mine déconfite. Un garçon que je connais a voulu me faire une mauvaise farce et a fait tomber mon masque pendant que nous dansions, toute à l'heure. Et... ça porte malheur, de perdre son masque lors d'une valse...

Le chroniqueur sourit et posa son propre masque sur les yeux de la jeune fille qui lui renvoya un regard surpris.

- Tenez, ça contrera le mauvais sort.

- Mais, et vous...?

- Moi ? Carter rit. Et bien, tâchez de garder un peu de bonne fortune pour moi, voulez-vous ?

La jeune fille rougit une nouvelle fois et hocha la tête.

- Bien ! On y va ?

Et le couple entama la danse. Carter la guida habilement, et sa cavalière, bien que très embarrassée, ne faisait aucun faux-pas. Leur valse était délicatement chaude, mais pas sans puissance. Elle semblait baignée de lumière, comme si le couple valsait sur un nuage. Elle était le diamétral opposé de la danse avec Catherine. Ils tournaient, tournaient, et tournaient encore, sur le rythme en trois temps au tempo envoûtant, et l'horloge sembla ne plus égrener le temps de façon régulière.

- Comment vous appelez-vous ? demanda timidement la jeune fille.

- Carter O'Warren. Je suis chroniqueur.

- Oh... Vous devez avoir beaucoup de jolies histoires à raconter... commenta-t-elle avec un air rêveur.

- Puis-je vous demander votre nom ? demanda le chroniqueur avec un sourire amical.

- Oh, bien sûr... Je suis Eleanora Densen, mais mes amis m'appellent Elea ou Ely. Je... je travaille dans...

Devinant l'embarras de la jeune fille, Carter eut la politesse d'intervenir :

- Ne vous sentez pas obligée de me le dire, vous savez. De toutes manière, le travail n'a jamais fait la personne, ajouta-t-il avec un clin d'oeil.

Elea lui renvoya un regard reconnaissant, et ils continuèrent la valse en silence, avec pour toutes paroles un échange de bref sourires. La valse se termina après quelques minutes, et Eleanora demanda en rassemblant visiblement tout son courage :

- Euh, excusez-moi, monsieur O'Warren, mais...

- Carter, la corrigea le chroniqueur avec un sourire amusé.

- Carter... Est-ce que vous... Euh, vous avez quelqu'un dans... dans votre vie...?

Le sourire de l'intéressé diminua légèrement. Il avait bien compris le manège d'Eleanora, mais il se refusait à aborder le sujet pour ne pas la blesser.

- Et bien, oui. Je suis fiancé... répondit-il avec douceur.

- Oh, je...! Je suis désolée, pardon...!

Et après une brève révérence, elle partit en courant avant que Carter n'aie pu la rattraper. Il resta quelques secondes, le bras tendu bêtement, avant de lâcher un soupir en se massant la nuque.

Ah, les bals... Carter, qui croyait bien connaître ce milieu, vit sa confiance en ses connaissances vaciller. Finalement, il y avait des choses qu'il n'avait pas encore apprises... Il eut une pensée pour Ariane, et, légèrement refroidi par la peine infligée à Eleanora, pris un dernier verre avant de quitter la salle. Il descendit les marches de l'escalier en marbre et parvint dans la rue avec un soupir. La nuit était fraîche mais belle, et le ciel étoilé resplendissait.

- Merveilleuse soirée pour une petite promenade en solitaire... lâcha Carter avec un sourire en mettant une main en visière pour admirer la lune.

Il était temps de rentrer au bateau et d'écrire un peu.

Car après tout, cette soirée avait apporté son lot d'histoires. Des histoires qu'il serait intéressant de raconter non pas à qui, mais comment...

 

 

~ Iceday ~

 

 

 

 

 

 

 

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L'Elian
  • Il existe une multitude de Mondes et pourtant quelques âmes se sont retrouvées et réunies pour se lancer dans une folle aventure. A Bord de leur Trois mats volant, L'Elian, ils vont aller explorer les tréfonds des Univers !
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